Les Capés du Finistère. Loulou Floch: le voltigeur léonard (1/6)
Quel joueur quitterait, en 2021, à 28 ans, le Paris Saint-Germain pour acheter une maison de la presse, à Roscoff? Cet exemple illustre la carrière de Louis Floch, dans ce football professionnel naissant de ces années 70. La ferme de Kerhalast, ce 28 décembre 1947, a donné naissance à un des plus grands prodiges du football breton, à Saint-Pol de Léon. Louis Floch, " Loulou", ces deux syllabes famillières ont égréné les chants de supporters, dans les années 60 et 70. En référence à ce voltigueur léonard, insaisissable et aérien sur son aile droite. " Mon vrai poste n'était pas celui d'ailier, mais avant-centre. Je devais fêter d'ailleurs ma dernière sélection en équipe de France contre la Grèce, à ce poste de numéro 9, pour la première fois, en équipe de France. Mais mon second fils, Jean-Paul a été hospitalisé en urgence à l'hôpital de Brest pour une malformation cardiaque. Je n'étais pas émotionnellement en état de jouer ce match en équipe de France. J'en avertis M. Boulogne, le sélectionneur, qui m'a laisse aller au chevet de mon fils. Je ne serai plus appelé, après en équipe de France". Cette année 73/74 marque la césure avec le sommet de son sport, l'équipe de France. Pourtant, il aura été le premier joueur du Finistère à côtoyer aussi longuement ce football international. Sans agent, dans ce football balbutiant professionnel, Loulou Floch a marqué plus d'une décennie glorieuse d'un sport qui est devenu définitivement roi, dans ces années 60/70, en France, avec l'accomplissement des Verts de Saint-Etienne.
Cadet surclassé au Stade Léonard, intégrant l'équipe première à 15 ans, en DH, Loulou Floch se fait très vite une réupation dépassant le Léon. De son premier fait d'arme face aux Chasseurs de Gourin en finale de la coupe du Finistère, victoire 6-0, auteur des six buts en finale, en 1963/1964, le protégé de Jean Combot, l'entraîneur-joueur, attise vite les convoitises de club supérieur.
Suite à un contrat de non-sollicitation, il découvre le milieu professionnel au Stade Rennais, vainqueur de la coupe de France, couvé par Jean Prouff, l'entraîneur. " Je suis allé voir la première finale de la coupe de France à Colombes face à Sedan Torcy (2-2). J'avais 17 ans, et je joue avec le Stade Rennais, trois matchs d'exhibition, à Landerneau, Carnac, Bénodet, face au FC Nantes, futur champion de France. De la DH à la D1, en quelques mois, je n'avais pas d'idoles dans le milieu de football, même si par mon jeu, je me rapprochais le plus d'un joueur comme Geoff Hurst, vainqueur de la coupe du monde 1966 avec l'Angleterre. Mes idoles étaient plus dans le cyclisme avec Jean Bourlès ou Henri Anglade".
Très vite, la vitesse devient son atout maître. " J'allais très vite, plus vite que les autres. Je n'ai jamais travaillé spécifiquement la vitesse. Seulement à la plage par des exercices spécifiques en alignant des 50 m et 100 m et ausi beaucoup de vélo. A l'époque, il n'y avait pas d'entraînement, je faisais mes entraînements tout seul. Avec Saint-Pol, nous avions gagné face à la réserve du Stade Rennais (3-1, ap) en coupe de l'Ouest. J'avais marqué les deux buts en prolongation".
Protégé par Jean Prouff, titulaire indiscutable du Stade Rennais, à 18 ans, il se brisa la cheville avec l'ensemble des ligaments touchés, à Charleroi, en mars 1966, pour un match de France avec l'équipe de France junior. Exit la coupe du monde 1966 en Angleterre, où il pouvait légitiment prétendre, et même craindre pour son arrêt précoce du football. " J'étais donné condamné pour le football. Le Docteur Brichart a réalisé un travail exceptionnel, tout comme Suzie, ma kinésipthérapeute, qui m'a accompagné toute la rééducation. J'en ai énormément souffert pour revenir, mais ma volonté n'a jamais faibli pour remettre les crampons".
Trois ans après, Loulou Floch s'envole à l'AS Monaco, en ce début des années 70, suite à la situation financière délicate du Stade Rennais. " Monaco était alors en D2. Je retrouvais Jean Petit, que j'avais connu dans un stage national à Vincennes. Je suis allé à Monaco pour le football. Je n'ai jamais mis les pieds dans un casino. C'est sous ce maillot monégasque que j'ai vécu mes premières sélections en équipe de France. La première, le 7 ocotbre 1970, face à l'Autriche, avant de marquer un de mes deux buts en Bleu, face à la Norvège (3-1). l'équipe de France représente le sommet, l'excellence et les copains. On se retrouve tous, entre anciens internationaux, une fois par an, pour un repas. Avec les Georges Berretta, Georges Lech, Marcel Aubour, Jean "Tchouki" Djorkaeff... Je me souviens que Loulou Nicolin, le président de Montpellier, avait tenu à organiser notre repas annuel, dans son mas provençal. J'avais pris ma voiture pour faire un Saint-Pol - Montpellier. Une personne extraordinaire, j'aurai tout donné pour un mec comme ça sur le terrain. Nous avons vécu un football différent de maintenant. Je ne vois pas les joueurs de maintenant, faire ce qu'on a fait, avec les trajets de nuit en bus ou en train, à jouer au tarot toute la nuit".
Ce football, aux airs diférents, sans les portables, ni réseaux sociaux, toute cette médiatisation à excès de paroles ou gestes, Loulou Floch a baigné dans ce football populaire. En souvenir marquant, ce dialogue de sourds à l'hôtel des voyageurs à Brest, où le représentant du Paris FC, qui souhaitait faire recruter Louis Floch, descendit 16 fois, à la cave de l'établissement, pour joindre son président, Guy Crescent (PDG de l'entreprise Calberson), pour la négociation salariale du futur contrat, ou encore cet appartement acheté cash à Saint-Germain en Laye rendu possible par ses années parisiennes. Toujours meilleur buteur du Paris FC en première division, Loulou Floch, transféré en 1974 au Paris Saint-Germain, décide en 1976, de revenir en Bretagne, acheter la maison de la presse en vente, à Roscoff.
A 28 ans, Loulou Floch, en 1976, à l'image de plusieurs joueurs concarnois, dans les premières années de National, enchaîne ses journées de travail, à la maison de la presse de Roscoff, avec les séances à 17h30/18h, au Stade brestois en D2. Il raccrochera, à 32 ans, après une carrière riche et 17 sélections en équipe de France, le premier Finistérien à vêtir le maillot bleu.
" J'ai connu un destin extraordinaire. Le meilleur joueur avec qui j'ai joué un match d'exhibition, a été le Néerlandais, Johan Cryuff, au Parc des Princes en 1975. Un joueur comme Moustapha Dahleb avait un talent brut incroyable. Je ne dirai pas la même chose de Drago Vabec, pas assez collectif à mon goût. Personne ne connaissait Saint-Pol de Léon en équipe de France. Ma vitesse énorme a toujours été ma force. Je viens du milieu de la ferme, nous n'avions pas d'argent mais nous étions pleinement heureux. A passer la bineuse, tout seul avec le cheval, ce fut un bonheur complet dans mon enfance, ce Pays Léonard, dans la ferme de mon père et celle de mon parrain. Le Léon a toujours été mon coin, là où je me sens bien. J'aime toujours le football passionnément, le cyclisme aussi. Dans un stade, je m'énerve trop. Je n'aime pas les spectateurs qui critiquent les joueurs de leur siège. Ca m'est déjà arrivé, malgré ma réserve, de sortir de mes gonds et d'houspiller une personne qui critiquait, à l'Armoricaine... Eric Cantona. L'AJ Auxerre était venu en stage à Roscoff, j'étais tombé en admiration de ce joueur, dès ces premiers gestes à l'entraînement. ( début des années 80). Le football m'a tout apporté, je lui en suis très reconnaissant, aussi à toutes ses personnes qui m'ont rendu pleinement heureux avec ce voyage en ballon. D'ailleurs, mon petit-fils, Arthur, le fils de Jean-Paul, sera très fort, il joue en U13 au Stade Brestois, il a le football dans les gênes familiaux (rires)"
1er volet de la série les internationaux finistériens en équipe de France de football (1/6) Sponsorisé par le groupe Trécobat, constructeur de maison individuelle, en plein dans l'actualité de l'Euro 2021, le site newsouest.fr vous retrace, toute cette semaine, 40 ans avec l'équipe de France, grâce à tous les Finistériens comptabilisant au moins 10 sélections avec le maillot bleu en senior. |