Le 10/01/2021

SOUVENIRS & NOSTALGIE. Hugo Nigues. Le chef de la meute de l'AC Carhaix

7 octobre 2014. "Hasta la vitoria! Siempre", ces mots d'un discours de Ernesto Che Guevera, à son départ de Cuba, décrivent parfaitement la grinta comportementale de Hugo Nigues. A 26 ans, il représente une jeunesse au centre-Bretagne, énergique et battante. Défenseur d'une droiture et d'idéaux collectifs, pourfendeur de cette société consumériste, l'entraîneur-joueur de l'AC Carhaix (D3) puise son énergie dans un projet permanent du mieux vivre ensemble. A quelques jours d'un match historique au 5ème tour de la coupe de France face à Plouzané (DH), ce samedi, à Charles Pinson, il articule son discours sur une anticipation permanente, propre à un esprit de départ immuable. Portrait du chef de la meute de l'AC Carhaix. 

Un des traits marquants de la personnalité de Hugo Nigues est son énergie. Un véritable volcan, qui déverse une lave continuelle d'atomes postifs, dans une journée. En refus de la compromission, il n'a pas hésité à créer le club de l'AC Carhaix avec son ami et "companeros" de voyage, Steven "Titi" Guilouic quand sa vision du football était bafouée. A 26 ans, Hugo Nigues est une personne qui compte en Centre-Bretagne. Son avis est écouté et respecté. Il est de ceux qui savent instinctivement adhérer une sympathie immédiate. L'AC Carhaix défie les lois prosaïques du milieu pour partir de la base, avec des joueurs confirmés de haut-niveau régional. Pour ainsi dire lâcher prise sur son "moi" individuel et parfaire une identité collective pour le bien-être individuel de ses membres. " Avec l'AC Carhaix, j'ai dépassé un regard individuel sur ma prestation sur le terrain. Nous ne pensons qu'à notre réalisation collective. Notre but est d'être heureux dans la vie. Le football en est une composante importante. Avec la famille et le travail, c'est un des trois piliers de notre appartenance sociale. On s'entraide constamment dans la vie et sur le terrain. Nous ne pourrions pas mettre autant d'intensité dans notre projet si nous n'étions pas liés d'une manière aussi extraoridinaire", avoue Hugo Nigues.

Seul club du district à travailler autant, avec trois entraînements par semaine, un match de futsal, le vendredi, et un autre en championnat, le dimanche, les joueurs de l'AC Carhaix, meilleure attaque de France en 2013/2014, consacrent en moyenne 4 à 5 de leurs soirées au football dans leur semaine. " Notre force réside dans notre grande amitié. Je tire beaucoup sur les joueurs. Je ne pourrais pas leur demander autant si ce n'était pas des amis". Le don pour un bien-être collectif, le refus d'une société de consommation, Hugo Nigues a forgé ces convictions en dogme de vie. Conforté par un voyage intiatique, à 23 ans, dans le pays du football, l'Argentine,  terre de naissance au passage en 1928 de Che Guevara. Qui comme le Carhaisien, avait amorcé un grand voyage d'identité personnelle au même âge en Amérique latine. " Ce voyage a été un déclic dans ma vie. Je n'ai pas voyagé enfant et adolescent. A la fin de nos études de STAPS à Rennes, je suis parti sac à dos, avec Romain Riou et Steven Guilliouic, pour une année sabatique en Argentine. Ca m'a construit et rassuré car je n'étais le seul fou de foot sur terre. En pleine crise économique, ce peuple m'avait subjugué par son énergie et sa joie de vivre, résumé en deux mots, le foot et la fête. Ils gagnaient 20 euros par jour et ils les dépensaient immédiatement, la nuit, en invitant les copains autour de soirées improbables. Ils se réveillaient le matin pour gagner ces 20 autres euros et les dépensaient à nouveau la nuit suivante. J'en ai gardé cette culture du jour le jour, vivre à fond le moment présent, sans se réfugier dans le passé, ni attendre comme un mirage, un futur idéalisé".

Le voyage en compagnon de route

Altruiste, visant constamment à l'épanouissement de son voisin, pour améliorer sa propre condition, Hugo Nigues est dans un partage constant, un don de soi (" Pour recevoir beaucoup, il faut donner encore plus"), un humaniste qui n'est pas dans le culte de la possession de l'ultime bibelot dernier cri susictant l'admiration ou la jalousie du voisin. Sa vision est bien plus large, enrichie par un amour du voyage, qui ne le quitte plus. " J'ai une femme superbe, qui comprend mon envie d'évasion. Je ressens le besoin de partir seul, sac à dos à la découverte d'autres cultures, d'autres horizons. Mon dernier voyage? La coupe du monde au Brésil avec les trois matchs de poule de l'équipe de France. Et dix jours passés dans une favella à Rio de Janeiro. J'ai besoin de repousser mes limites pour revenir plus fort. J'ai la conscience de m'enrichir énormément. Avec toujours le besoin de redonner au Centre-Bretagne, ma terre de coeur et d'enracinement ce que ses expériences m'ont transmises".

Acquérir des connaissances à un niveau universel pour agir en local, Hugo Nigues fait peut-être partie de cette nouvelle génération, qui sait qu'elle ne pourra pas changer le système, contrairement aux révolutionnaires des générations précédentes. Mais qui par touche d'initiatives locales et d'idées nouvelles, peut jouer d'un effet ricochet sur un bassin de vie. L'AC Carhaix est formidable dans le sens, qu'elle n'impose rien. Ces licenciés ne se mettent pas en donneur de leçons. Ils sont juste heureux d'avoir été au bout de leur logique. " Un joueur à l'ACC ne pourra être jamais être dans le "je viens, je prends, je pars". Il sait à la signature pourquoi il rejoint le club. Un licencié doit dépasser sa fonction de simple joueur pour s'impliquer dans l'arbitrage, acheter le matériel, faire les entrées, les casses-croûtes, la buvette. Au départ, ça surprend les nouveaux mais ils se fondent très vite dans notre aventure collective".

Vivre l'impossible, rêver le possible

Petit poucet à la faim de loup, l'AC Carhaix dévore avec un appétit féroce ses proies en coupe de France. La grinta indissociable accolé à Hugo Nigues. " Je suis toujours dans la réflexion de comment améliorer notre grinta sur le terrain. L'envie de gagner, de toujours vouloir gagner. Même un exercice aux entraînements. Il ne faut pas que ça nous quitte. Nous devons être les garants d'une volonté acharnée de gagner. Quelque soit l'adversaire, quelque soit le niveau, on part ensemble pour gagner. Je suis en admiration totale de Javier Mascherano, el Jefeito (le petit chef). Il a cette hargne qui ne le quitte jamais. Plouzané ne nous fait pas peur. Nous sommes prêts! Le futsal nous aide à anticiper ces défis. Quand tu joues 40 minutes avec un cardio maximum en salle, physiquement, on sera dedans 90 ou 120 minutes".

L'adaptation est une des grosses forces de ce collectif des loups. L'anticipation également pour une équipe qui planifie déjà une montée en ligue dans les années futures avec la création d'une école de football de 25 licenciés. " Nous avons été surpris de voir autant d'enfants adhérer à notre projet, dès la première année". Sans doute parce que cette jeunesse avant-gardiste touche au plein coeur de nos êtres et redonne à beaucoup l'espoir d'un monde meilleur. " Il y'a beaucoup de monde qui se retrouve en nos valeurs. Des anciens qui nous disent revivre des moments vécus autrefois dans les stades, où chacun luttait pour la victoire en match. A la fin, on oubliait tout pour partager un pot au feu et communier d'une manière simple et attachante. On ne peut pas partir après un match, sans être passé boire un verre et manger le casse-croûte avec tout le monde. C'est un moment pour décompresser de sa semaine,  apprendre à connaître l'autre".

Formé à l'école d'André Guénadou à Châteauneuf du Faou, Hugo Nigues, éducateur sportif à la ville de Callac, a grandi en faisant de ses principes, une application dans sa vie quotidienne. Alors que 99% des personnes sont toujours dans l'optique du rêver l'impossible pour vivre le possible. Hugo Nigues prend le contre-pied pour vivre l'impossible et rêver le possible. Une contre-culture, synonyme d'espoir en une société plus humaine et solidaire.

Christophe Marchand

 

 

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