Le 05/12/2014

Série n°14. Nicolas Cloarec, le labeur du courage

Concarnois pure souche, avec une première licence signée à l'US Concarneau en 1984/1985 à sept ans, Nicolas Cloarec, 37 ans, est le coach de l'équipe première du club, depuis cinq saisons. Un cycle long devenu naturel, qui ruisselle sur les valeurs développées par les Thoniers. Il est devenu un parfait miroir de l'ambition d'un club en incarnant par les mots, travail, courage, fidélité, honnêteté et dévouement l'ADN de l'US Concarneau. Sa vie ressemble à une compétition à champ ouvert, qui laisse peu de place à la paresse et à l'oisiveté. Son agenda est minuté au rythme d'une journée déclinée à une allure élevée. Beaucoup plus concerné par le temps présent et futur, il n'aime pas se ressourcer sur des souvenirs d'anciens combattants. Il avance! Portrait d'un gagneur au caractère bien trempé.

Le haut-niveau n'amène pas la complaisance. Pour arriver au sommet de la pyramide, il faut avoir une mentalité spéciale, une haute dose de sacrifices et un caractère trempé pour s'imprégner des codes dévolus à son objectif personnel. " Etre footballeur professionnel est très difficile. Je n'étais pas au-dessus. Il faut s'en donner les moyens. Derrière les années en ligue 1 et ligue 2, à Lorient ou à Clermont-Ferrand, il y'a énormément de sacrifices, à commencer par sa jeunesse. C'est une vie particulière rythmée par la temporalité des entraînements et matchs. Celui qui n'a pas une disicipline de fer ne tient pas dans ce milieu. A moins d'avoir un talent inné, qui amène des passes-droits mais ce n'était pas mon cas"

Très jeune, Nicolas Cloarec a choisi sa propre destinée à l'âge adulte, soit footballeur professionnel ou professeur de sport. A l'US Concarneau, il apprend les bases de sa passion dès l'âge de sept ans. A 14 ans, par l'insistance de Jean-Paul Thomas, il signe au feu Stade Quimpérois. Deux années en -15 ans nationaux, à être éduqué par maître Jean Brélivet. " Mon père, Alain, professeur de mathématiques et Jean Brélivet, enseignant d'EPS étaient collègues au lycée Yves Thépot à Quimper". Le bac en poche, il suit son chemin tracé: s'inscrire en STAPS pour être professeur de sports à l'arrivée. Le FC Metz et l'EA Guingamp frappent à la porte. Sans succès, Nicolas Cloarec rejoint le Stade Malherbe de Caen où évolue un certain Kenneth Anderson, star de la coupe du monde 1994 aux Etats-Unis, 3ème avec la Suède.

L'apprentissage continue mais le caractère est déjà bien trempé et affirmé. " J'ai vu que Caen ne me proposait rien. J'avais fait le tour de la question. Je fais un essai au FC Lorient où je tape dans l'oeil de Christian Gourcuff. Le groupe de la réserve en D3 était composé à 75% de jeunes du centre de formation au club. La première année, je fais quelques apparitions. Le déclic se produit avec la montée du club en première division. Pierrick Le Bert se blesse. Je saisis ma chance en cours d'année. J'enchaîne l'année suivante, notamment en ouverture un match perdu face à l'AS Monaco (1-2) des néo-champions du monde en août 1998: Fabien Barthez, David Trézéguet ou Thierry Henry. Je concrétise mon rêve d'enfant".

Joueur du crû, apprécié du public pour son caractère bien Breton (teigneux, obstiné, déterminé), il se sent bien dans un club Lorientais qui est dans une célébration constante du beau jeu.  Jusqu'à cette fracture dans la saison 2001/2002. " Je perds mon père au mois d'août. Christian Gourcuff part à Rennes. Angel Marcos le remplace. Je n'adhère pas à la méthode et au discours. Dans ma tête, je voulais partir à la trêve hivernale. Yvon Pouliquen le remplace et déclare qu'il n'y aura pas de départs. La coupe d'Afrique arrive en janvier et je me retrouve titulaire. Ma seule amertume est d'avoir joué en 16ème, 8ème et quart de finale de la coupe de France. Notamment un épique 16ème à Douai par -7°C avec une qualification aux prolongations 1-3. A partir des demi-finales et finale de la coupe de France, comme en coupe de la ligue, je n'ai plus joué. J'ai gagné la coupe de France face à Bastia sans jouer la finale".

Cet épisode le marque. Dans sa tête, le départ repoussé à l'hiver, se doit d'être fait pour retrouver une nouvelle énergie. Le cordon sportif avec le FC Lorient est coupé avec un transfert à Clermont-Ferrand (L2), club célèbre pour sa qualification héroïque face au Paris Saint-Germain en 1997. Reboosté par ce nouveau challenge sportif, il se reconstruit une base et y trouve un équilibre. " J'avais besoin de prendre un nouveau départ, suite à cette année éprouvante professionnellement et personnellement. J'y ai rencontré mon épouse, Béatrice avec la naissance de mon premier enfant, Morgan. Là encore, j'ai le superbe souvenir d'une élimination aux pénaltys de Lyon en coupe de France, la meilleure équipe d'Europe à l'époque avec les Juninho, Diarra, Chris, Coupet, Wiltord, Nilmar.... On sentait une atmosphère spéciale, ce soir-là. Nous avions ouvert la marque par Bruno Rodrigues, avant de gagner aux pénaltys". 

Sans contrat, à l'horizon de la saison 2005/2006, après un stage à l'UNFP, il donne son accord à Jacques Piriou, dirigeant à l'US Concarneau, et signe sa licence fédérale, à l'aéroport de Lyon. " Quand je donne ma parole, je m'y tiens. Après cette promesse, le FC Gueugnon me sollicite pour un contrat en L2 mais je ne reviens pas sur un engagement oral ou écrit. J'avais passé cette année, mon diplôme DEF, au CREPS de Saint-Sébastien/Loire en e-formation. Je m'engage dans la préparation à Concarneau. En me rappelant toujours de cette journée du 8 octobre 2005, où je prends la voiture de Concarneau à Clermont-Ferrand pour assister à la naissance de mon premier enfant, le lendemain. Et le 10 octobre, je jouais mon premier match avec l'USC parce qu'il fallait attendre quatre mois pour la requalification d'un statut professionnel en amateur".

La montée dès la première année de CFA2 en CFA, avec des joueurs de qualité, mais sans âme ("le groupe aurait dû être cassé à l'intersaison"), l'ascenseur est fait dès l'année suivante avec un retour en CFA2 avec un maintien laborieux contre le FC Lorient à la dernière journée. En mars 2007, la décision est prise avec la volonté de casser son contrat fédéral même s'il lui restait deux années garanties. " J'avais 200 matchs en professionnel et un minimum de fierté. Je ne ressentais pas le plaisir de faire les efforts au quotidien. Je ne me reconnaissais plus dans le projet club".

Le ressort est près de se casser. A la dernière minute, le directoire lui propose de passer de l'autre côté de la barrière en devenant le coach de l'équipe réserve et un travail à mi-temps comme surveillant au lycée Saint-Joseph de Concarneau. " Je me rappelle d'une équipe dernière à la fin janvier en DSE. On fait une poule retour exceptionnelle avec un superbe groupe, seulement battu à la dernière journée à Carnac. On arrive à la fin de la saison 2008/2009. A la suite d'une assemblée générale houleuse, Jacques Piriou me convainc que je pourrais être l'homme de la situation pour prendre les commandes de l'équipe première. A cette époque, nous étions plus près de la DH que de la CFA".

Le pari est accepté de se lancer dans l'aventure à 32 ans. Troisième pour sa première année en CFA2 derrière Lorient B et Guingamp B, Concarneau émerge à nouveau sur un cycle porteur. L'euphorie est alors à la coupe de France et cette victoire suréaliste face à des Canaris de Nantes, totalement déplumés à Guy-Piriou (3-0, 7ème). " Une fierté d'offrir du bonheur aux gens que tu connais et apprécies. Sans le crier sur tous les toits, on sentait qu'on pouvait les battre, après avoir assisté à leur match juste avant à la Beaujeoire"

Dès la seconde année, sous sa direction en CFA 2, le pari d'une montée en CFA est gagné au prix d'un finish "Hitchcockien". Une victoire inespérée à Alençon (3-1, 3-4) et un succès avec un but de Fabio Lancien dans les arrêts de jeu de la dernière journée face à l'EA Guingamp. " Un groupe qui n'a rien lâché. Nous avions gagné tous nos matchs dans les dernières journées". 

Après deux expériences malheureuses en CFA, l'US Concarneau regoûte à nouveau à la 4ème division Française. Dans l'apprentissage, avec très peu de moyens, en épée de Damoclès, une ardoise financière de 200.000 euros à éponger sur trois ans, le club se soude avec une équipe de copains, à l'esprit collectif. Le recrutement est à la hauteur des moyens, ciblé sur deux renforts offensifs, Gaétan Arguilhé et Herman Koré. " Nous commençons mal notre championnat avec deux matchs nuls pour cinq défaites. Le déclic est venu d'une victoire à Fontenay, à la 8ème journée. En coupe, nous sortons face à Pluvigner (DSE, 1-0)". Le maintien est au bout pour les Mathieu Viel, Marc Labat, Ivan Seznec, Christophe Gourmelon, Laurent Palut....

L'US Concarneau passe un autre braquet, dès l'année suivante pour s'affirmer comme une équipe labélisée CFA. Même sortis par l'AS Vitré en coupe de France, les Thoniers se retrouvent dans les eaux calmes du championnat de CFA. Une confirmation dès l'année suivante avec en lumière ce match du mardi 21 janvier 2014, resté dans toutes les mémoires face à Guingamp, à Guy-Piriou (2-3, ap), en 16ème de finale de la coupe de France. " Nous étions partis pour battre le record du club dans cette épreuve. On voulait marquer l'histoire. Je suis comme un capitaine de navire. Mon rôle est d'amener la tempête quand c'est calme, et le calme quand ça tangue à l'intérieur. Je voulais surtout préparer mentalement les joueurs à leur entrée sur la pelouse pour l'échauffement. Je leur avais dit, quand vous allez quitter les vestiaires après la causerie tactique, ça va vous faire bizarre!".

Le cap est maintenant au beau fixe, dans un club où l'harmonie règne à tous les étages, du bénévole au président. " Mon obsession dans la vie est d'avancer et de progresser. Elle doit être constante et mesurée. Pour savoir où nous voulons aller, il faut avoir à l'esprit d'où on vient. Sans des moyens extraordinaires, nous pouvons changer de braquet avec une montée en national. Nous n'en sommes pas éloignés. On doit pouvoir tenir à l'échelon supérieur avec des joueurs-clubs comme Guillaume Jannez, Ivan Seznec, Max Toupin... Des joueurs comme Mathieu Viel, symbole de cette aventure, assure une continuité en intégrant maintenant la partie dirigeante. On construit le ciment de notre ascension"

Sa détermination est également un trait dominant de sa personnalité. Plus qu'un caractère, il en émane de l'homme, une ténacité à toucher ses limites pour les repousser. " Ca fait cinq ans que je suis au taquet. Nous avons racheter une pharmacie en 2009 avec ma femme. Avec trois enfants, une vie professionnelle très prenante dans l'accompagnement de l'entreprise, je suis toujours dans la compétition. Je ne me plains jamais. Nous vivons une époque de morosité et de larmoiement. Ce n'est pas mon tempérament. Toute ma vie, j'ai dû travailler plus pour parvenir à mes fins. Si on me demande mes qualités, je répondrais travail et courage. Dans une humilité et une ambition qui ne me quitte jamais. Un club est une affaire d'équilibre. Nous avons apporté une crédibilité à notre "petite" PME. Nous devons être constamment dans l'action et le temps présent. Il n'y a que de cette façon qu'on arrive à quelque chose dans la vie".

Christophe Marchand

Crédit photo: René RIOU

 

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