Le 05/12/2014

Série n°14. Jacques Piriou, l'USC en port d'attache

La passion est une raison d'une dépendance à une addiction. A tous les âges de la vie, ce vice devient une vertu contagieuse. Depuis ses 6 ans, Jacques Piriou, 50 ans de licences dans le club phare de la ville bleue, est tombé tout petit dans le marmite du football amateur, sortant avec une gourde de potion nommée USC. " Je suis né avec des chaussettes bleues dans le berceau". Dans sa vie professionnelle, il a connu l'adrénaline et le stress de gros contrats à coup de dizaines de millions d'euros. Cependant, le football amateur lui a sans doute donné ses joies les plus intenses et des images inoubliables en communion avec ses ami(e)s de toujours. Portrait du capitaine du navire Thonier.

Jacques Piriou est attaché au club de l'US Concarneau depuis ses six ans. 50 ans après, il est toujours épris de la même passion.

Aux antipodes de notre société "zapping", qui est capable du jour au lendemain de jeter ce qui naguère était adoré, le sport est une des dernières folies collectives de ce XXIème siècle. La coupe de France est une épreuve savoureuse pour tout club amateur car elle raisonne de liesses collectives. L'US Concarneau plonge avec délectation dans ce 8ème tour de la coupe de France. A la barre, toujours le même amiral, Jacques Piriou. Des souvenirs plein la cale, et un dévouement total pour son club. " Quand je fais le bilan, il n'y a que l'USC à qui je sois toujours resté fidèle. Les chantiers navals, j'ai quitté la présidence au début de la cinquantaine même si je suis encore au conseil d'administration et très attaché à son développement. Le club, je ne l'ai jamais quitté. C'est une seconde famille et une part très importante de ma vie. Je la partage désormais entre Concarneau et Collioure dans les Pyrénées-Orientales où je possède un vignoble et deux restaurants. Là encore, une affaire de vrais amis avec pour point de départ la construction de bateaux pour le thon rouge de Méditerranée".

Avant d'avoir pris la présidence en 2001/2002, Jacques Piriou est passé par toutes les cases de la vie d'un club. Des poussins débutants à sa première licence en 1964/1965 - qui marque également la date de création des Chantiers Piriou à Concarneau - avec Pierre Le Coz pour entraîneur. " Une autre époque où on ramassait les cailloux sur le terrain de Keramperu juste avant les entraînements pour pouvoir jouer. On n'avait pas beaucoup de technique, on courait dans tous les sens". Il franchit les étapes de toutes les catégories jeunes avant d'intégrer l'équipe première pour deux matchs. Un sacré souvenir partagé en commun avec un grand nom du football Breton. " J'ai joué deux matchs en senior A dans ma vie. Le premier match, je ne rappelle même plus. Par contre, le second avec Albaladejo, en entraîneur, c'était contre le FC Lorient de Christian Gourcuff en D4, saison 1982/1983. J'étais dans sa zone. Je n'ai vu que son maillot de dos (rires). J'ai pris la présidence des chantiers Piriou, à 24 ans. Je pouvais difficilement être disponible pour les entraînements mais mon niveau ne m'aurait pas permis régulièrement de jouer avec l'équipe première "

Derrière cette ironie et une auto-dérision recherchée se cache la marque d'un personnage, qui est toujours resté humble et disponible, à travers le succès. " Dans mon entreprise comme au club, j'ai toujours raisonné à travers une équipe et un collectif. Il faut une tête de gondole, qui doit être en symbiose avec les décideurs. La réussite n'intervient que dans cette unité de la méthode et du discours. C'est une aventure collective permanente, qui du responsable de la friterie aux joueurs de l'équipe première, unit ses membres vers un même but. L'image de l'US Concarneau est un club sympa, qui fait les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. Par exemple, nous sommes très contents de l'arrivée de Mathieu Viel dans le comité car il symbolise la passerelle et une continuité dans un attachement à la structure club".

Avec un père, Guy, président du club sur une décennie, un stade de Keramperu rebaptisé à son nom, un oncle, Michel, joueur senior une vingtaine d'années, l'héritage est complété par Jacques, qui perpétue ce fil d'Ariane, transmis à chaque génération avec l'US Concarneau. Ayant pris la présidence en 2001/2002, Jacques Piriou a connu une première mandature avant de s'éclipser momentanément. " Comme mon père avait fait en 1993 quand ma mère était tombée malade, je l'ai fait également quand mon père a connu des ennuis de santé. Ca a été un cap très important dans ma vie qui m'a donné du recul et le courage des décisions à suivre. Je n'oublierais jamais ce match de janvier 2009 face à l'Olympique de Lyon à Guingamp. Il avait été reporté une première fois. Mon père était alors encore en vie. Quelques jours après sur le 2ème match, il ne l'était plus. Quand la minute de silence a retenti dans le stade, 16.000 à 17.000 spectateurs se sont tus en lui rendant le plus beau des hommages. Juste après, Jean-Michel Aulas était venu me voir et m'avait confessé que depuis la mort de son père, il gardait toujours soigneusement une photo de lui dans son porte-feuille"

A la demande du directoire en 2009, Jacques Piriou reprend la présidence de l'US Concarneau. " C'est une fonction où généralement, les candidats se font rares". L'US Concarneau traverse ce dernier quinquennat sur un rythme conquérant, sous l'ère Nicolas Cloarec, avec une stabilisation historique à un niveau CFA. A la tête d'une PME de 650.000 € de budget annuel, 4 à 5 salariés, une tenue des comptes à envoyer trois fois dans l'année à la DNCG, l'US Concarneau possède même une longueur d'avance par rapport à d'autres clubs de même niveau, sans le vouloir, sur la période à venir. " Nous avons construit une osmose forte entre les acteurs. A  brève ou moyenne échéance, la part des pouvoirs publics diminuera substantiellement dans le budget des clubs. Sur le nôtre, cette part du public intervient à moins de 20% même si nous souhaitons recevoir plus d'aides pour consolider nos acquis. L'USC, c'est 120 partenaires économiques, des gens et acteurs locaux qui nous aident à grandir. Il y'a ce lien de proximité et d'écoute qui font la force de notre structure. Avant, pour tenir au niveau CFA/CFA 2, nous devions recruter des joueurs extérieurs à notre bassin. Maintenant, nous avons travaillé en interne pour faire confiance à des jeunes du coin. Nous recevons aujourd'hui une pile de CV de joueurs qui veulent adhérer à notre projet".

A quelques jours de la réception de Vitré (CFA), la flamme de la coupe de France est toujours présente: en souvenir indélibile vécu ce 21 janvier 2014 avec le match contre les futurs vainqueurs de la compétition, l'EA Guingamp (2-3 ap). " Mon pire souvenir dans le football est d'avoir attendu 45 minutes, le résultat du Stade Brestois B pour savoir si nous descendions en DH ou pas. Mon meilleur souvenir reste ce match contre Guingamp. C'est un grand moment de ma vie. Avant ce match, j'étais dans une angoisse permanente car en tant que président, j'étais responsable de la sécurité des 6.200 personnes. Quand le coup d'envoi a été donné avec cette foule dans le stade, et tout le monde qui avait pu arriver à temps et stationner, j'ai commencé à savourer. Quelle satisfaction immense! J'ai eu l'adrénaline des gros contrats de 40 à 50 millions d'euros, ceux qui donnent à manger aux gens de ton entreprise et une visibilité stratégique en interne. Jamais je n'avais ressenti cette joie jubilatoire quand nous avons marqué le second but. Ca a été une aventure collective avec tous les licenciés du club. Il manquait juste la victoire mais c'était un grand et beau moment. Il y'avait tout les ingrédients rêvés"

L'âme d'un conquérant et capitaine d'industrie est de mettre le cap toujours vers l'horizon. Jacques Piriou vibrera encore une fois, ce samedi, face à Vitré avec son club, son staff et ses joueurs. L'homme est un vecteur d'humilité, d'humour et d'ambition. Il est le garant d'un esprit marqueur de l'identité club. Fermement attaché à sa ville, ce Concarnois a du sang rouge dans les veines et un coeur bleu, symbole au rattachement de ses racines, à travers son club d'une vie.

Christophe Marchand

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