Le 24/06/2016

Matthieu Bideau, un altruiste passionné et raisonné

La philosophie des Lumières au 18ème siècle a souvent opposé la raison à la passion, inspiré par l'antagonisme de la pensée pour Kant et Hegel. Le Douarneniste, Matthieu Bideau, responsable de la cellule recrutement du centre de formation du FC Nantes, incarne la fusion de ces deux composantes: une passion dévorante et marquée pour le football mais aussi un détachement sur ce milieu chronophage et violent. " Je suis conscient de la violence de mon métier. Devoir dire non à un parent, un jeune pour intégrer le centre de formation ou l'en faire sortir par exemple n'est pas toujours aisé humainement". Raisonné sur cet état des lieux général, il reste un acharné de travail, capable d'enchaîner des semaines à +80 heures, grâce à cette passion intacte pour le football et les êtres qui le composent. " Quand Yacine Bamou marque au bout de 30 secondes, après son entrée sur le terrain pour son premier match en professionnel, à La Beaujeoire, je craque, je suis en larme!", avoue avec toute franchise Matthieu Bideau. Par l'écriture de son livre, Je veux être un footballeur professionnel #JVDFP, en collaboration avec Laurent Mommeja, responsable du site les espoirs du football , Matthieu Bideau revient sur 10 ans d'expérience du football de haut-niveau, un leg à tous parents ou enfants dans sa lecture sur des conseils pratiques, des mises en gardes, des repères d'étape... Ecoulé à plus de 4.000 exemplaires, cet opus est un gros succès de vente dès sa sortie, le 9 mai. Portrait d'un passionné, Matthieu Bideau, qui savoure sa chance d'être ce petit parmi les grands, dans son quotidien.

Sur invitation de Mikaël Caoudal, Matthieu Bideau a partagé son expérience, ce vendredi après-midi, aux élèves de la classe football du collège Laënnec.

Un commercial vous dira toujours que les 20 premières secondes déterminent la qualité du feeling passé entre deux individus. Dès la première rencontre avec Matthieu Bideau, un grand sourire éclaire son visage, à la sortie du collège Laënec de Pont l'Abbé où il avait répondu, ce vendredi après-midi, à l'invitation de Mikaël Caoudal, le responsable scolaire de la classe football. Dénominateur d'un homme heureux, équilibré dans sa vie personnelle et professionnelle. Un sentiment confirmé par une phrase lâchée dans un torrent de discussion. " J'ai lu une étude récemment qui parlait que 1% des gens réalisaient un métier-passion, c'est à dire la profession qu'il rêvait d'exercer quand il était enfant. Je mesure ma chance d'être dans ce 1%. Le football m'a tout apporté. Il me nourrit au quotidien et m'a donné une famille, une compagne formidable et deux superbes petites filles de 1 an et 4 ans. La seule chose que je suis fier dans mon parcours est de n'avoir pas changé. Enfin j'espère ...", assure Matthieu Bideau. Et pourtant, son histoire tient en une affaire d'opportunité, de passion et de croyance. Ayant grandi à Douarnenez, sur les hauteurs de Tréboul, Matthieu Bideau, comme tant de garçons dans les années 80, signe au club de sa commune à la Stella Maris de Douarnenez. Talentueux, milieu de terrain infatigable et technique, il se fait remarquer par le FC Nantes, modèle de la formation française dans les années 90, sur un tournoi U15 jeune. " En U15, je sortais d'une grosse saison avec un éducateur qui m'a marqué à savoir Gérard Ansquer. Le FC Nantes me remarque alors et me fait participer à un tournoi à Vigneux de Bretagne. On gagne le tournoi et je fais des très bons matchs. Guy Hillion, aujourd'hui recruteur pour le club anglais de Chelsea, me fait alors signer un contrat de deux ans. J'étais une erreur de casting. Au bout de six mois, ils m'ont fait comprendre que l'aventure s'arrêterait au terme de la première saison ... " souligne Matthieu Bideau.

J'ai beaucoup appris au contact de Olivier Jouanneaux. 

Sa destinée est toute tracée. Le football restera une passion amatrice, mais sans doute pas un métier. Après une maîtrise de STAPS à Brest, un passage senior à la Stella Maris de Douarnenez (DRH), au FC Pont l'Abbé avec Claude Dulak (la personne qui l'avait conseillé au FC Nantes) et au Stade Quimpérois, 3 ans en DH, avec un 32ème finale face à Lille OSC, saison 2002/2003 (la dernière grosse affluence du football à Penvillers, en janvier 2003, 7500 spectateurs), Matthieu Bideau gagne la région parisienne, à Pierrefitte sur Seine (93), diplôme de professeur de sport validé (CAPEPS). Le football en passion devient un passe-temps formidable, les week-ends. Avec en terrain de jeu, toute l'Ile de France, pour le compte du FC Nantes. " A l'époque, Serge Le Dizet, douarneniste comme moi, est le directeur du centre de formation. Il me propose de sillonner les terrains bénévolement pendant une saison. Je suis aux anges et dans la seconde j'arrête de jouer pour me consacrer à cette mission d'observateur. J'ai eu la chance de signaler de bons jeunes dont certains ont signé pro très rapidement comme par exemple Sofianne Hanni (Anderlecht) , Loic Nego (Ujpest Budapest), Vincent Sasso (Sheffield) ou encore Lionel Carole (Galatasaray) ..."

A 23 ans, il franchit une autre étape en devenant collaborateur d'agent au côté du Quimpérois, Olivier Jouanneaux, qui a à cette époque, en contrat, deux valeurs montantes du football français, Mathieu Berson et Philippe Mexes. " Je ne remercierai jamais assez Olivier pour m'avoir fait découvrir très tôt la réalité de ce milieu. J'ai beaucoup appris à son contact. J'ai vécu en off de grands moments grâce à lui. Six mois après m'être engagé avec Olivier je reçois la proposition d'intégrer la Jonelière à temps plein pour le FC Nantes. A aucun moment, il ne m'a bloqué. Au contraire, il m'a dit que le train ne passerait qu'une fois et qu' il fallait que je fonce. J'avais un côté revanchard par rapport à ma première expérience avec le FC Nantes".

Mise à disposition de l'éducation nationale, pendant 10 ans, Matthieu Bideau quitte la fonction publique pour se porter corps et âme à ce nouveau projet. Les bonnes pioches s'enchaînent avec des garçons au profil atypique, Yacine Bammou (vendeur à la boutique des Champs Elysées du Paris Saint-Germain, Evry, CFA 2) ou Issa Sissokho (US Carquefou, 2008, CFA). " J'aime mettre en avant ces joueurs car ils n'ont pas été remarqué par le monde professionnel et les centres de formation. Tout comme Adil Rami (Fréjus), Laurent Koscielny (pas gardé à l'EA Guingamp à 18 ans), Patrice Evra (Monza, D3 Italienne), Bakary Sagna (Sens, DH), ou N'Golo Kanté (Suresnes, PH), ça pose beaucoup de questions tout de même". Ou encore un certain Riyad Mahrez, que Matthieu Bideau a bien connu à Sarcelles par l'intermédiare de son grand ami, Ate N'Zete. " Nous jouons ensemble à Sarcelles, en senior. Ate ne me parlait jamais de jeunes joueurs jusqu'au jour où il m'a parlé pour la première fois de Riyad. Il voulait le faire sortir du cocon parisien et lui cherchait un club en province. Il avait 18 ans, j'ai appelé Mickaël Pellen, l'adjoint de Ronan Salaün, avec qui j'avais fait mes études de STAPS à Brest. Il est arrivé à Quimper en même temps que le frère de Paul Pogba, Mathias".

Il faut dédramatiser l'échec et s'en servir comme expérience

Toutes ces anecdotes vers le haut-niveau, Matthieu Bideau en a recueilli une multitude. En prenant 18 joueurs par catégorie d'année, le FC Nantes se limite à du qualitatif sur les jeunes de la Jonelière. Par son livre, il voulait marquer en noir et surligné en gras, les 14 étapes qui mènent au professionnalisme pour les parents et les jeunes. "  Trop de jeunes pensent qu'ils sont arrivés au bout du périple lorsqu'ils signent leur premier contrat de joueur professionnel. C'est faux et dangereux de penser ainsi. Un joueur professionnel c'est un joueur qui joue de façon régulière et dans la durée là haut ... ". Dans la longue conversation du jour Matthieu dit la chose suivante:  L'égoïsme cherche sans trouver ce que l'altruite trouve sans chercher".

 

Une maxime qui le décrit bien. Altruiste envers les autres, il en retire une satisfaction personnelle sans foncièrement la chercher expressement à son origine. La curiosité, l'échange l'amènent vers l'autre au fil des conversations dans une journée. Avec une idée fixe, à l'image de sa grande passion pour la voile, sentir le moment où il faut mettre le cap sur ses priorités. " J'ai eu la chance de ne pas avoir des parents branchés football, qui commentaient chaque match, chaque action et qui faisaient le débrief des rencontres. Il faut dédramatiser l'échec et s'en servir comme expérience. Mes racines me retiennent toujours à Douarnenez. J'y reviens avec plaisir, comme sur le tournoi Madagascoeur de Poullan/Mer. Chaque été, pour me faire de l'argent, jeune, je travaillais chez mes grands parents qui étaient mareyeurs. J'ai beaucoup de respect pour les gens de la mer. Les marins pêcheurs sont pour moi des héros modernes. C'est un métier extrêmemement dur ! J'ai toujours beaucoup travaillé pour en arriver là. Je suis issu d'une famille de petits-commerçant qui ne comptaient pas leurs heures. Je vis au jour le jour, convaincu que j'aurai une troisième vie après avoir été enseignant d'EPS et responsable de recrutement du FC Nantes. Beaucoup de personnes dans le football restent dans le milieu par peur du vide. Ils se sentent incapables de faire autre chose. Il faut rester ouvert et disponible à toutes les opportunités de la vie. J'ai beaucoup de chance".

A 36 ans, Matthieu Bideau présente un profil étonnant construit dans sa passion qui est devenue son métier. A la Jonelière, il a reçu le témoin de toute une tradition du beau jeu, de ces déplacements et mouvements à la Nantaise, bâtie par des maîtres à penser comme José Arribas, Jean Vincent, Jean-Claude Saudeau, Loïc Amisse, Raynald Denoueix, Guy Hillion. Il tente avec tous les éducateurs du club des canaris de redevenir un incontournable: faire partie des meilleurs clubs formateurs de France, et installer le club dans les deux à trois meilleurs clubs de France dans ce domaine.

Christophe Marchand

Livre: Je veux devenir footballeur professionnel

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