Objectif Quart. La touche locale de l'US Concarneau
La performance à très haut niveau en football rime-elle encore avec une confiance dans des joueurs de son bassin géographique? L'US Concarneau, à son niveau, nage aujourd'hui à contre-courant, d'un système complètement dérégularisé, depuis la stricte application de l'article 48 du traité de Rome de1957 sur la libre circulation des travailleurs entre les états membres de l'union européenne. Plus connu sur le nom d'arrêt Bosman en 1996, cette décision de la cour de justice Européenne, confortée par d'autres accords (Cotonou, Corfou) a modifié la face du football de haut niveau. Les supporters y ont perdu une partie de leur âme et leur croyance. Ce sport collectif est devenu une affaire individuelle. Justement, l'aventure de l'US Concarneau est un rayon de soleil dans un milieu déshumanisé de ses primes valeurs.
Le football de haut-niveau ne verse plus dans le sentiment. Il est conforme à une forme de déviance du monde de l'entreprise qui privilégie souvent le profit à l'humain. Pour des jeunes joueurs qui ont rêvé du football professionnel, le revers de la médaille peut être blessant, laissant une cicatrice ouverte, qui ne se refermera peut-être jamais. Le football amateur a toujours conservé des racines ancrées dans leur environnement quotidien. L'US Concarneau a crée un réel engouement autour de son aventure incroyable en coupe de France par une simplicité, une générosité de ses acteurs et un bonheur sincère. " Je crois fermement à l'épanouissement des joueurs par rapport à la la proximité. Nous avons une forte identité Cornouaillaise. Les gens se retrouvent et reconnaissent dans ce qu'on fait. On ne réussira que dans cette voie-là dans la durée. Au FC Lorient, au début des années 90, en D2, la base était fortement locale avec les frères Bouger, Gilles Kerhuel, Pierrick Le Bert ou Arnaud Le Lan. Si nous grimpons de division, nous serons plus dans un recrutement qualitatif à des postes-clés", affirme le coach Concarnois, Nicolas Claorec.
Cette chimère est-elle viable à très haut niveau? Une semaine jour pour jour, après Croix - Concarneau, fête du football amateur, se jouera le très attendu Paris Saint-Germain - Chelsea: sommet du football européen, symbole du football business, avec des capitaux étrangers dans les deux clubs-capitales de leur pays. Une version moderne du pain et des jeux de l'époque Romaine. John Terry, Gary Cahill et Blaise Matuidi seront sûrement les seuls représentants Anglais et Français de ce choc au coup d'envoi. A part Lyon, en ligue 1, qui s'appuie sur son bassin géographique pour sa formation avec les Anthony Lopes, Samuel Umtiti, Maxime Gonalons, Alexandre Lacazette, Nabil Fekir, aucun des 19 autres clubs de l'élite du championnat de France ne fait confiance en majorité à des joueurs de sa région. Dans les principaux championnats, l'Angleterre est le pays où cette mondialisation a été portée au plus loin.
Eibar, un modèle pour l'US Concarneau
Or, les exemples de ce retour en arrière avec l'état d'esprit du football des années 60/70/80 existe avec le cas historique de l'Athletic Bilbao, qui a toujours aligné des joueurs Basques dans son effectif. En effet, le Pays Basque a beaucoup d'atomes crochus avec la Bretagne, à commencer par une identité forte, un drapeau et une langue. Nouveau venu en liga, le club Basque d'Eibar est peut-être le meilleur exemple à suivre pour Concarneau. 27.000 habitants, un stade de 5.250 personnes, peu ou prou les caractéristiques de la ville et du stade de Concarneau. Ce club est aussi un OVNI dans le football Européen. Comme le déclarait son président, Alex Aranzabal, au quotidien l'équipe, en mai 2014. " Le modèle Eibar, c’est une façon particulière de vivre le football. Nous ne ferons appel qu’à des particuliers, et l’investissement maximum d’une seule personne a été fixé à 100 000 euros pour augmenter notre budget. Nous ne voulons pas d’une grande entreprise ou du cheikh qatari !"
Visiblement, ce modèle redonne foi en un football humaniste et de proximité car les fonds recueillis à travers le monde ont été de 600.000 euros. Aujourd'hui, en milieu de tableau de la première division, Eibar tient tête aux meilleures équipes avec une base solide de joueurs du Pays Basque. En Italie, le calcio, ultra-dominateur à un niveau Européen dans les années 1980 avec la Juventus et le Milan AC, s'est détourné des joueurs locaux et Italiens pour aller rechercher ailleurs les renforts dans leur équipe. Eliminé dès le premier tour de la coupe du monde au Brésil en 2014, l'Italie est à une croisée des chemins. Ville de 41.000 habitants, Sassuolo (12ème) a grimpé jusqu'en série A en 2013/2014, en faisant confiance à des joueurs du crû de l'Emilie Romagne. Soutenu dans cette démarche rare en Italie par "il dottore", Giorgio Squinzi, patron de l'entreprise chimique Mapei (ex équipe professionnelle en cyclisme). L'Allemagne présente aussi un cas similaire à haut niveau avec l'équipe de Paderborn, promu en bundesliga, avec 90% de joueurs germaniques.
L'US Concarneau, meilleur club amateur Breton
L'US Concarneau n'est donc pas un cas isolé dans ce football moderne, même si ces exemples sont rares. " Nous fonctionnons avec 70% du même groupe, en équipe première depuis 6 ans. Nous sommes des vrais amateurs, à qui les joueurs doivent demander une journée à leurs employeurs pour représenter le club en 8ème de finale de la coupe de France. En CFA, les joueurs bougent de club en club. Les effectifs varient d'une année sur l'autre. En Bretagne, Pontivy et Plabennec adoptent une politique similaire à la nôtre. On se sent proche de l'état d'esprit d'un club comme l'EA Guingamp. Pour valoriser ou être soutenu, nous avons besoin de fédérer des gens sur notre projet à proximité. Cette équipe de l'USC mérite un profond respect car ce que fait le groupe est admirable à plus d'un titre", soutient Jacques Piriou, le président de l'US Concarneau.
Alors que François Pinault revait ouvertement à son rachat du Stade Rennais en 1998, d'une équipe à identité régionale, une voie dans laquelle le Stade Rennais a trop peu donné suite, le FC Lorient espère y arriver avec son centre de formation recentré sur des joueurs locaux, le Stade Brestois, à amorcer ce retour à une base locale avec le recrutement des ex-Lorientais Gaétan Courtet et Bryan Pelé, au mercato d'hiver, l'EA Guingamp est très probablement aujourd'hui l'équipe qui représente le mieux la Bretagne dans ses valeurs de courage, d'humilité et de générosité sur le terrain. Le parodoxe est qu'il n'y a pas beaucoup de joueurs Bretons hormis Christophe Kerbrat et Sylvain Marveaux. L'US Concarneau trace son chemin, à l'ombre de ses voisins. Aujourd'hui meilleur club amateur Breton, le club puise sa force dans une solidarité, une communion entre les joueurs et une passion de vivre à fond leur aventure. La ligne directrice a été fixée depuis la prise de pouvoir du tamdem Jacques Piriou/Nicolas Cloarec, binôme indissociable à la réussite de cette équipe de copains. A 24 heures d'un des rendez-vous les plus importants de son histoire, à Croix, les Thoniers sont prêts à monter à l'abordage pour une qualification historique en quart de finale de la coupe de France.
Christophe Marchand
Le groupe de Concarneau: Ivan Seznec: Plogastel Saint-Germain, Maxime Toupin: Concarneau, Guillaume Janez: Baye, Thomas Cotty: Morlaix, Maël Illien: Le Faouët, Florian Le Joncour: Saint-Thois, Jérémy Drouglazet: Pluvigner/Concarneau, Sébastien Clément: Concarneau, Thibaut Sinquin: Rosporden, Vincent Richetin, Christophe Gourmelon: Brest, Killian Gargam, Guillaume Gégousse: Ploemeur, Romain Salm, Ergué-Armel...