Le 26/01/2021

DANS LE RETRO. " Le handball Breton a toujours été une référence"

18 mai 2013. A la rencontre des chefs d'entreprise du bassin Concarnois, Daniel Costantini, le coach double-champion du monde de l'équipe de France en 1995 et 2001, a distillé, ce vendredi soir, à la salle du Sterenn de Trégunc, avec un extrême brio quelques recettes de son succès. Sur la double initiative de Philippe Grijol, ancien entraîneur de Ergué-Gabéric et de Rodolphe Ziegler, le président de l'AL Concarneau, le sélectionneur Marseillais a fait profiter son auditoire de sa faconde toute méridionale pour éclairer sur les techniques de management d'une équipe et apporter un regard en préambule sur la dynamique du handball Breton.

A la salle du Sterenn de Trégunc, ce vendredi soir, l'AL Concarneau a fait se rencontrer les décideurs du bassin Concarnois, les responsables politiques, et Daniel Costantini, l'entraîneur emblématique de l'équipe de France de 1985 à 2001,élu meilleur sélectionneur de tous les temps en 2010.   

Triple champion de France en tant que joueur avec le SMUC Marseille dans les années 60, Daniel Costantini reste le coach emblématique de la génération de joueurs appellés les Barjots (Frédéric Volle, Philippe "Boule" Gardant, Denis Lathoud, Pascal Mahé) et des Costauds (Bertrand Gilles, Guillaume Gille, Grégory Anquetil). 16 ans à la tête de l'équipe de France, deux septennats avec pour point de départ, la France en 3ème division mondiale et en arrivée, les Tricolores, champions du monde à Bercy devant la Suède.

Son extraordinaire parcours a été le fruit d'une remise en question totale d'une politique fédérale. " Pour atteindre son meilleur niveau, un individu se doit d'avoir la volonté de progresser chaque jour. Le travail est un fait majeur de la réussite. Quand je suis arrivé à la tête de l'équipe de France, les joueurs s'entraînaient 300 à 400 heures par an. On était confronté à des nations, essentiellement d'Europe de l'Est, qui en faisaient le triple. On tenait une mi-temps avant d'exploser en vol. Il fallait nous mettre à niveau si nous voulions se donner les moyens d'être compétitifs. Les pouvoirs publics ont permis ce décollage en permettant de rémunérer quelque peu les stages ou sélections".

Depuis 1972 et l'entrée du handball aux jeux olympiques de Munich, la France n'avait été capable de figurer parmi le gotha mondial des nations qui comptent sur la carte Handball. " Nous avons toujours eu des joueurs de talent en France mais nos dirigeants persistaient dans leur idée que notre créativité ferait la différence à haut niveau".

La réussite est immanquablement liée à une répétition des gestes pour en garantir une complète efficacité. Comme Lilian Thuram ne manquait pas de conclure ses entraînements par une série de transversales, comme Jean-Pierre Papin qui se rajoutait une demi-heure supplémentaire de reprise de volée à la sortie d'une séance. " C'est une règle d'or de la réussite. Le travail et la répétition. On ne s'improvise pas. Sur un match, un entraîneur pour être cohérent, doit avoir fait en sorte d'avoir fait assimiler ses systèmes de jeu à ses joueurs. Ne pas confier à ses collaborateurs des responsabilités trop élevées pour lui. Dès fois, il faut être en mesure de faire le pas de moins que celui de trop. Face à l'Espagne, aux Mondiaux 1999, je me suis trompé en confiant à un joueur de l'équipe de France des responsabilités qui n'étaient pas en mesure d'assumer à cette époque. Aujourd'hui, il a passé ce cap de la confiance en lui et a fini capitaine de l'équipe actuelle".

" Jackson, il fait partie de la classe des inventeurs"

La cohésion d'une équipe implique des règles et une discipline stricte. Dirigiste, au début de sa carrière d'entraîneur, Daniel Costantini est revenu de ce schéma pour une politique plus participative avec à la fin une maîtrise de la décision. " J'ai été dirigiste car ça avait l'avantage de mettre fin aux palabres. Le gain de temps était énorme. J'en suis revenu car je crois qu'il est important de fabriquer de l'empathie avec ses collaborateurs. Leur demander leur avis est un acte d'intelligence, qui rappelle la Maïeutique de Socrate. Questionner les autres sur une décision permet d'enrichir ses idées personnelles. Les entretiens individuels sont prisés dans le monde professionnel. Je leur préfère les entretiens collectifs où tout le monde s'exprime devant le groupe. Une image me revient: le choix du gardien titulaire au championnat du Monde 2001. Christian Gaudin, Bruno Martini, Thierry Omeyer, le jeune à l'époque, s'étaient exprimé. Chacun avait défendu sa volonté de temps de jeu. Pour être juste, j'avais affiché tous leurs stats sur les matchs de préparation en leur donnant un temps de jeu équivalent. Pour être sûr de capter l'attention d'un joueur de haut niveau, j'avais décidé de poster cette feuille sur la porte intérieur de l'ascenseur de l'hôtel. C'est leur passage obligé. Christian Gaudin a fait les six premiers matchs. Émoussé par la répétition des matchs, il a cédé sa place à Bruno Martini. Et en finale, Thierry Omeyer rentre en cours de match et nous gagne la finale par ses arrêts".

L'empathie est une source clé de la réussite d'un groupe. Fabriquer de l'empathie pour faire converger une dynamique de groupe. Le groupe France a connu un tel succès grâce à la dernière forme de joueur, la plus dure et recherchée, l'inventeur, celui qui crée un concept, une idée nouvelle, une forme jamais-vu de procédure. Avec Jackson Richardson, pur génie du sport, Daniel Costantini avait trouvé ce chaînon si rare. " Jackson, il fait partie de la classe des inventeurs. En match de préparation à la sélection des JO de Barcelone, je ne pense pas le prendre. Dans la vie, il ne faut jamais avoir de préjugés sur une personne. Comme je veux lui expliquer ma décision, je le teste face à la Norvège. Il ne connaissait pas la défense individuelle. Il courait partout en ne quittant pas la balle du regard. Je sentais le vent de grogne monter chez ses partenaires de jeu. J'étais prêt à le sortir. Et au dernier moment, j'ai eu cette lucidité de regarder l'adversaire. Tous les Norvégiens étaient en situation de panique car il n'avait jamais vu un tel joueur sur un parquet de hand. Je le prends dans la liste finale, pour le faire jouer au 3ème match face à l'Algérie. On avait perdu les deux premiers. Et on était mené de trois buts dans cette rencontre. Il nous fait deux interceptions et la partie est relancée. Jackson, c'est un créatif, un joueur hors-norme. Dans une entreprise, je sais par expérience qu'on se méfie terriblement de ces personnes-là qui vous font prendre d'autres chemins de développement en cassant un historique. Mais ils sont tellement bons qu'ils trouvent souvent leur place dans les dictionnaires"

Après deux heures d'une verve jamais mise en défaut, Daniel Costantini a eu des mots très touchants sur le handball breton et sa venue à Concarneau. " J'ai été très sensible à la lettre de candidature reçue par les dirigeants de l'AL Concarneau. Elle était tellement bien tournée que je ne pouvais refuser. Ils ont de la chance car je n'accepte que deux à trois invitations comme celle-ci dans l'année. Le handball Breton a toujours été une référence. Concarneau avec ses 250 licenciés, est un exemple d'une cellule-mère du handball. Le haut niveau n'est que la dernière pierre de l'édifice. Il est important de revenir à la base pour se rendre compte de l'importance du développement de son sport. La Bretagne est en avance sur les autres régions françaises. Parfois, c'est dans l'excès pour un méridional. J'ai de la famille sur Lampaul-Plouarzel. Quand on m'explique que deux clubs à huit kilomètres de distances, ne veulent pas entendre parler d'un rapprochement, c'est dur à concevoir pour un Marseillais mais c'est dans la mentalité Bretonne. Le haut niveau vous fait perdre les repères. Comme je ne suis plus à la fédération depuis mars 2010, je suis parti d'une initiative personnelle de rencontrer des clubs comme l'AL Concarneau, qui transparaîssent d'un amour pur et sincère du handball. Je pense que nous irons de plus en plus vers une féminisation de ce sport. En France, la moyenne de licenciés est bien plus importante chez les gars que chez les filles. En Bretagne, la parité filles-garçons est beaucoup mieux appliquée avec un 60/40".

Volontiers affable dans la soirée passée sur Trégunc, Daniel Costantini aura été à l'image de sa carrière d'entraîneur au haut plus niveau: un grand monsieur du sport français. Il avait insisté dans sa première partie d'intervention sur l'importance de conserver ses racines avec un recours appuyé à l'historique du handball en France des années 50 à 80. En revenant à la base de la pyramide handball avec l'AL Concarneau, il n'en oublie pas son rôle premier de formateur et d'éducateur. Levier des ambitions Françaises au plus haut niveau mondial, Daniel Costantini avec les Barjots et les Costauds ont fait énormément pour la popularité du handball auprès du grand public. On comprend bien mieux l'aboutissement d'un tel résultat sportif et humain après avoir eu le bonheur d'être présent sur ces deux heures de conférence, à Trégunc.

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