Le 16/03/2022

La photo de sport selon le discret Daniel S.

Daniel Sainthorant n'a rien d'une diva, qui exige que l'on se plie illico à ses caprices mais comme à peu près tous les photographes de sport (j'allais dire les photographes sportifs mais Daniel est photographe avant d'être sportif),  il aime à s'effacer derrière l'objectif. Il m'a donc fallu déployer des trésors de subtilité pour que mon vieux compagnon de route accepte de témoigner de son art, de l'art de la photo et plus précisément de la photo sportive. Une fois balayées les réticences  de Daniel ("Tu ne citeras pas mon nom" (c'est déjà fait), "Il faut que ce soit sans prétention" (c'est bien pour ça que je parle de l'art de la photo) etc, etc...), le photographe, oubliant ses pudeurs de gazelle, s'est dévoilé sans fard.
 

Légende: Le fameux instant décisif capté en une fraction de seconde. Crédit photo: Daniel Sainthorant

J'ai attaqué sans détour :  A quoi tient le secret d'une photo de sport réussie ?  Daniel ne s'est pas dérobé. "Il faut savoir capter l'instant où il se passe un truc, où tout peut basculer. C'est ce que Henri-Cartier Bresson - tu sais celui que l'on a surnommé l'oeil du siècle (j'ai acquiescé) -appelle l'instant décisif,  l'instant où tout est suspendu, en équilibre. La difficulté, c'est qu'il faut saisir cet instant en 1/10e de seconde. Trop tôt, c'est raté, trop tard aussi..."

Henri-Cartier Bresson ... Sacré Daniel !  Voilà que l'air de rien, il élevait d'emblée le débat. Mais c'est lui encore qui m'a ramené sur le plancher des vaches. "Attention ! Rien à voir avec moi ! Je ne joue pas dans la même cour. Fais bien attention à ce que tu vas écrire." On est alors revenus à son quotidien de photographe sportif !  Pas toujours aussi évident qu'on pourrait le penser... "Le problème auquel je suis souvent confronté : les conditions techniques difficiles, particulièrement l'absence de lumière dans les salles obscures... Les difficultés relèvent aussi parfois de la nature du sport lui-même. Au volley par exemple, le filet fait obstacle à la photo et les filles ne sautent pas encore assez haut pour que je puisse les cadrer. A Quimper, la disposition des lieux, le fait qu'on n'ait pas d'accès en fond de salle n'arrange pas non plus les choses..."

Certains sports se prêteraient donc mieux que d'autres à la photo ? "C'est surtout, a-t-il rectifié, que le photographe cultive naturellement des affinités avec certains sports. Je ne suis pas fan des photos de foot par exemple. Même s'il y a des réussites. En revanche, je trouve que l'aïkido est un sport très esthétique, que la voile et le milieu maritime  se prêtent à de belles photos."

Mais photographie-t-on mieux ce qu'on aime ? "Pas forcément ! Le tout, c'est d'être là au bon moment..." Le fameux instant décisif, on y revenait toujours... J'ai poussé Daniel dans ses retranchements : "L'instant décisif, Ok, j'ai compris! Mais il y a aussi dans l'univers du sport des personnes qui se prêtent davantage à la photo, non ? Des gens qui ont une gueule particulière, qui dégagent quelque chose... " On n'est pas toujours d'accord mais là, Daniel a acquiescé. "C'est vrai. Comme dans la vie de tous les jours d'ailleurs. Il y a des sportifs qui ont du charisme. Et qui aiment en jouer. Le rapport entre le photographe et le sportif, c'est une forme de comédie. Prends par exemple le basketteur de l'Ujap David Jackson, c'est un vrai show man qui recherche souvent le contact avec le photographe. L'ex-entraîneur quimpérois, Olivier Cousin, c'était un peu la même chose. Une vraie personnalité, quelqu'un de très expressif !"

Oui mais un photographe amateur, un débutant quoi, sera-t-il  capable d'aller dénicher le client idéal pour lui tirer le portrait ? C'est là toute la question, non ? A moins qu'avec toutes les facilités techniques, les possibilités de retouche photo et tutti quanti, le quidam, le profane, puisse s'improviser photographe ? "Ne rêve pas, m'a coupé Daniel. Ce ne sont pas toutes ces facilités techniques qui feront de toi un excellent photographe. Par contre, tu peux vite progresser si tu exerces ton oeil. C'est comme pour la peinture, il faut s'inspirer des grands maîtres. C'est la répétition qui paie. Il faut de l'entraînement. " Et un peu de talent aussi, non Daniel ?

Rubrique Carte Blanche à Marc Férec

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