Le 20/11/2013

Julie Neuzy. La flèche Walonne

De la ligue des champions à l'excellence régionale, des déplacements en Hongrie, Suisse, Serbie, à des confrontations face à Trébeurden, Locmaria, Léhon, le parcours de la Liégoise, Julie Neuzy, 24 ans emprunte un chemin hors-piste pour son pedigree sportif. Au Cap Sizun, depuis janvier 2013, son profil est atypique, tout comme cette équipe, qui avale les marches d'une ascension sportive. Comment passe-on du top niveau à l'excellente régionale? Récit d'une histoire peu commune, retraçant l'amour pour un sport.

De la ligue des champions à l'excellence régionale, Julie Neuzy présente un parcours atypique, pour une joueuse, qui est vraiment à découvrir sur et en dehors des parquets.

La vie est rarement linéaire. Cette ligne droite, du berceau jusqu'à la tombe, est bien souvent rendue oblique et courbée car elle nous oblige à faire des choix de vie, qui nous fait sortir de notre cocon affectif et familial de notre enfance. Julie Neuzy a atteint, de ses 15 à 20 ans, le plus haut niveau de handball en Belgique, avec son club de Visé, le meilleur club féminin Belge de la dernière décennie. Cinq titres, cinq ligues des champions, qui a mené son équipe, en Serbie, Hongrie, Bulgarie, Suisse, pour la ligue des Champions. " J'ai toujours baigné dans le handball, depuis mes 5 ans. J'y suis venue à cause de mon caractère. Je me disputais toujours avec le même garçon en maternelle. On était des jumeaux dans le comportement. Son père l'avait mis au handball et il a conseillé à mes parents de pratiquer ce sport pour m'assagir. Je suis devenue une mordue de ce sport, à l'adolescence. J'ai atteint le top niveau de mon sport en Belgique", explique Julie Neuzy.

Trois entraînements par semaine, une séance de musculation, les matchs en week-end, ce rythme trépident a laissé des plumes au physique de la Wallonne. " Je ne ferais pas une longue carrière. J'ai été soumise jeune à une haute intensité. Je suis cassée de partout, le dos, les entorses à répétition. Je connais la première grosse blessure de ma carrière avec une fracture au pouce. Je suis en arrêt jusqu'en janvier. Pour un sportif, cette attente est insupportable. Je suis très chiante en ce moment car j'ai besoin de me dépenser et je peux devenir infernale", souligne Julie Neuzy.

Ayant fait le choix de privilégier ses études de kinésithérapeute au sport de haut niveau, la Belge ne regrette pas aujourd'hui son choix, même si elle avoue un regret immuable: le manque de confiance en soi. Ce trait de caractère est très marqué chez les perfectionnistes, qui sont en réflexion permanente sur leur sport et leur capacité à vouloir tout bien faire. Julie Neuzy fait partie de cette catégorie de sportif, aux dons extraordinaires, qui se recroquevillent sur eux-mêmes au premier gravillon en match. " Quand je réfléchis bien, je n'ai jamais eu confiance en moi. Olivier Leleux, mon entraîneur en jeune, m'avait dit, qu'avec la confiance, j'aurais été une des meilleures joueuses Belges de ma génération. Je le crois aussi même si ça peut paraître présomptueux. Encore aujourd'hui, à ce niveau, je manque de confiance. C'est terrible car je n'arrive pas à franchir ce cap mental. Un sportif peut savoir à l'échauffement s'il fera un bon match. C'est indescriptible mais au ressenti, au toucher de balle, on le sait intérieurement. Personnellement, je me mets la pression dès l'échauffement, si je réussis mes deux lucarnes opposées, je vais être exceptionnel dans un match. Comme face à Locmaria pour le match face aux leaders de HRF. Si je les rate, la première mi-temps se passera sans moi (rires)".

Une prime de victoire au top niveau à 12,50 euros.

La confiance dans tous les domaines de sa vie amène au moins la moitié de la réalisation d'un potentiel. Certains sont nés avec, d'autres doivent cravacher sans cesse pour améliorer un petit pécule donné à la naissance. Et c'est tout le charme de l'existence de forcer son destin, quand ses capacités ne vous ont été donnés au départ dans votre constitution génétique. Ceux qui y parviennent sont en général redoutables, de vrais boulimiques de la performance, et bien souvent des sur-investis dans toutes leurs réalisations. Julie Neuzy intègre ce cercle très fermé de personnes, qui ont le potentiel pour être excellent dans plusieurs domaines de compétences. " J'ai côtoyé de près le haut-niveau. J'étais obnubilée par le handball, à 12, 13 ans. J'ai toujours été une grosse bosseuse. Une phrase m'a freinée à l'adolescence, à 13 ans, "arrête d'être aussi concentrée à l'entraînement". Ca m'a marqué. J'estimais beaucoup notre entraîneur à Visé. Avant et après, il y'avait une vraie relation avec tout son groupe, mais pendant l'entraînement, tout le monde se taisait. Il était le chef, tout le monde faisait les exercices sans un bruit. Le haut-niveau, c'est cette méthode. La rigueur, la discipline la ponctualité, la répétition de schémas, de gestes, la franchise. Mais le handball n'y était pas considéré comme un sport majeur en Belgique. La prime de victoire était fixée à 12,50 euros.".

Ayant arrêté le sport de haut-niveau sur un 5ème titre de championne de Belgique, à presque 21 ans, Julie Neuzy a privilégié ses études de kiné à Liège et parle de sa venue surprise au Cap Sizun. " A l'époque, j'avais un copain Français, à Liège. Il était de Montpellier. Il avait en projet qu'on s'installe dans le Sud, après la fin de nos études. Nous avons rompu. Son projet est bizarrement devenu mon projet. Je voulais partir de Belgique. La solution la plus simple dans la validation de mon diplôme, était la France. Le langage était commun. Sur le site internet, Physiorama, la première offre d'emploi était le cabinet de Martine Scuiller, qui cherchait une assistante. Je me suis rendue avec mes parents, en juillet 2012. Audierne était magnifique. Le lendemain, avec un ami commun de Pleuven, Yann Pouliquen, nous sommes partis au festival du Bout du Monde. J'ai été séduite par le coin et les gens. Les Bretons ont le même caractère que les Belges. On manie le même humour pour masquer une première approche timide".

Une adaptation parfaitement réussie

Installée professionnellement dans le Cap Sizun, en décembre 2012, reprendre le handball est devenue une priorité pour s'insérer socialement. Le contact a été pris par téléphone avec l'entraîneur du HBC Cap Sizun, Thomas Le Gall, le 15 janvier. Le lendemain, Julie Neuzy découvrait une nouvelle équipe et un nouveau groupe. " Quand il m'a demandé mon niveau, je pense qu'il a été très surpris. Il ne s'y attendait pas. Il a annoncé devant le groupe, dès le premier entraînement. Ca met la pression. Le groupe a vraiment été extraordinaire. Ca ne m'était jamais arrivé qu'on scande mon nom, comme au Cap, dans un match. Le public nous suit partout et nous encourage tout le match. C'est vraiment unique à vivre. On veut leur rendre tellement plus. Je ne voulais pas être le vilain petit canard qui arrive dans un groupe qui se connait depuis longtemps. Je ne voulais pas révolutionner tout le groupe. Parfois, j'ai envie de provoquer la discussion avec notre entraîneur. Je n'ai jamais franchi le pas car je ne sais pas comment les filles et Thomas le prendraient. Sur certaines phases de jeu, je pense modestement pouvoir apporter un autre regard par rapport à mon passé en Belgique. Je n'ose pas! Je ne sais pas pourquoi mais j'en ai vraiment envie. Je voudrais proposer certaines phases de jeu qui marchaient régulièrement avec mon ancienne équipe".

Même blessée, Julie Neuzy a parfaitement réussi son adaptation au sein de cette équipe du HBC Cap Sizun, qui reste sur deux montées consécutives. " Les filles sont extraordinaires. Elles demandent sans cesse de mes nouvelles. Je me sens super bien intégré. Elles m'ont faire rire quand sur leur dernier match, elles m'ont dit qu'il manquait l'accent Belge. J'ai une manière particulière de prononcer le chiffre huit. Elle voulait faire 28-18 rien que pour qu'elles m'entendent dire le score au téléphone. Je n'irais jamais engueuler une partenaire dans le jeu, comme un arbitre. Je préfère calmer et garder tout à l'intérieur. C'est une exigence du haut-niveau. Je suis admirative d'une fille comme Marion Le Coq dans notre équipe. J'ai rarement rencontré une fille comme ça même à haut niveau. Si elle se canalise, elle peut aller très, très loin. Elle a vraiment un potentiel hors-norme".

Ancrée au Cap Sizun, la Belge Julie Neuzy profite de l'instant présent, sans faire de plans à moyen ou long terme. Tout simplement heureuse de sa première expérience en France. Chanceuse d'avoir eu comme port d'attache, Audierne. " Je pense que je ne me serais pas adaptée aussi facilement à Montpellier. Les gens me ressemblent dans le Cap. S'ils ont une chose à te dire, ils te le diront en face. Et ça me va très bien".

Christophe Marchand

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