19 février 2016. Le Callacois Pascal Razer possède ce don incomparable de rendre à l'aise tout interlocuteur à son premier contact. Cette capacité innée représente une de ces grandes qualités. Tout comme une loyauté dans le comportement, qui le fait adapter une même attitude indistinctement à la catégorie sociale. Au mondial pupilles, à Combrit, avec la sélection du Poher en 2013, il avait ébahi toute la tablée présente à déjeuner en se levant spontanément avec au bout de son tutoiement en ligne, le sélectionneur national de l'équipe de France, Didier Deschamps. Formateur dans l'âme, vicié au football, il voue une passion absolue au ballon rond et une volonté de rendre à ce sport ce qu'il lui a donné. Président de l'amicale des éducateurs du Finistère, responsable de la section football du pôle de Châteauneuf du Faou, Pascal Razer est une figure du Centre-Bretagne. A 50 ans, il a toujours l'énergie d'un débutant et la même abnégation dans la vie qu'il avait joueur au DC Carhaix. Portrait du lion du Centre-Bretagne.

Les êtres humains remplis de générosité dans leur attitude et dans leur bonté ont souvent été frappés à l'enfance par un drame ou une cicatrice ouverte, difficilement refermable. Au lieu d'être dompté par le tumulte d'une vie humaine, ils en ont retiré le meilleur en se rappelant qu'une vie, par sa propre définition, est courte, fragile et précieuse. Pour Pascal Razer, la vie ne l'a pas épargné. Dès tout petit, il a fait face à un épisode tragique. " J'ai perdu mon père, Gilbert à 5 ans. J'étais l'aîné d'une fratrie de deux frères. Le dernier était encore dans le ventre de ma mère quand mon père s'est tué dans un accident de voiture. C'est la vie! J'ai toujours eu ce côté protecteur et tourné vers les autres. Je devais m'occuper de mes petits frères et de ma demie-soeur. Nous nous en sommes bien sortis car un des mes frères est directeur d'un grand supermarché et l'autre est rentier à moins de 50 ans. A 12 ans, je ramassais déjà les poulets pour ramener de l'argent à la maison. J'ai toujours eu la valeur du travail", explique pudiquement Pascal Razer.
Trois fois dans la semaine, je livre des crêpes dès 5h30 du matin dans une entreprise à Kergloff
Fidèle à ses principes d'éducateur, à son dogme repété inlassablement à ses fidèles du Juvenat à Châteaulin (un éducateur isolé est un éducateur en danger), Pascal Razer a toujours su s'entourer de l'amour des siens. " Je ne ferai pas tout ce que je fais sans une femme extraordinaire et conciliante, Florence, et mes enfants, Brieuc et Quentin. J'ai beaucoup de chance. Ma mère, Janine et mon beau-père, Roger ont beaucoup compté. C'est lui qui m'accompagnait sur les terrains quandj'étais gamin et adolescent". Pascal Razer est un tourbillon, une tormade jamais rassasiée. Ses journées, il les commence très tôt le matin quand la majorité d'entre nous sommes encore dans leur lit. " Je me lève de très bonne heure le matin, car trois fois dans la semaine, je livre des crêpes dès 5h30 dans une entreprise à Kergloff. Je finis vers les 9h30 pour embrayer à la section de Châteauneuf. Je fais aussi les deux pages sports pour le journal du Centre Bretagne, le Poher Hebdo et les stages d'été, Vac Karaez". Ce boulimique de football est un combattant domptant l'adversité et la passivité. Toujours dans l'action, jamais dans le fermeture, il reste un homme du Centre-Bretagne désireux de faire élever le niveau dans ce magma du football en France. " Le Centre-Bretagne est un territoire extraordinaire. Des gens formidables qui sont en gros manque de football de bon niveau. Je voulais faire un groupement de jeunes du Poher. Les clubs vont de mieux en mieux, à l'image des Toros de Plounévézel, une référence dans la pré-formation. Il manque une locomotive. J'espère sincèrement que les DC Carhaix retrouveront leur standing".
Les DC et Pascal Razer, est une histoire d'amour plongée dans la ferveur des années 1980. " Je suis arrivé au DC Carhaix de l'EA Guingamp. J'aurais pu passer pro mais je me suis rompu le ligament à 17 ans à l'EA Guingamp. En 1983/1984, je signe au DC Carhaix avec les Gildas Blanchard, Bernard le Roux, Charly (Loul) Boulic, Bruno Guillou, Loïc Guével, Jacques Cadran. Notre épopée en 1986 et la victoire à Plumélec pour la remontée en D4".
L'homme a son franc-parler, qui lui vaut des détracteurs en coulisses, mais sa franchise est louée par énormément de personnes dans le milieu du football et au-delà. " Je ne suis jamais de mauvaise humeur quand je suis près d'un terrain de football. C'est une grande partie de ma vie. J'aime bien en philospohie, " Il est interdit d'interdire". Dans la vie, tout est possible à la seule condition de s'en donner les moyens. Je suis exigeant avec les joueurs mais je suis toujours dans le positif. Jamais je ne tomberai dans le négatif dans la critique. Je ne triche pas, je suis entier et juste. On peut se tromper mais il faut toujours écouter son être intérieur".
J'étais parti pour faire ma vie à la Stella Maris de Douarnenez
Véritable encyclopédie du football local, capable de citer tous les noms des U11 du centre-Bretagne ou des U13 du Finistère, Pascal Razer est un rassembleur, qui avance constamment. Comme sur ses adversaires où son persévérance et son profil de combattant étaient unaniment apprécié à Charles Pinson. Entraîneur a toujours été une vocation pour ce meneur d'hommes inné. Dès sa seconde année, à Rostrenen, à 33 ans, il réussit un 7ème tour de la coupe de France contre La Chapelle des Marais (CFA 2) et une demi-finale de la coupe de Bretagne.
Si son enfance a été marquée par un drame famillial, son autre grande fêlure est arrivée à la Stella Maris de Douarnenez. " C'est mon seul grand regret dans le football. J'ai adoré ce gros club formateur. Je n'ai plus jamais retrouvé ce gros projet sportif. Je suis resté trois ans, fait monter le club de la DRH à la DSR. Si on m'avait laissé, nous aurions ramené la Stella Maris en DH. J'avais une équipe de gamins avec le lancement des Tanguy Niox, Mickaël Le Bescond ou Glenn Blouet. J'étais parti pour y faire ma vie. Je n'ai rien vu venir. A six journées de la fin, j'ai été évincé alors que j'avais privilégié les jeunes au détriment de l'équipe première. En Gambardella, on réussit un 64ème de finale contre Saint-Brieuc devant 1000 spectateurs à la Sainte-Croix. Ca a été violent, j'ai perdu quelques kilos à mon éviction. Je n'avais plus le goût à rien. J'ai pris la proposition de Rosporden et David Boutet au vol car il ne fallait pas que je reste cogité longtemps".
Se décrivant plus un formateur qu'un entraîneur, Pascal Razer a trouvé son bonheur total à la section sportive de Châteauneuf du Faou au collège de l'Aulne. Après les Jean Brelivet, Yvon Ledan, Philippe Le Gril, André Guénadou, il a repris le flambeau, se réjouissant que des garçons signent à haut niveau comme Jocelyn Paul(Ergué-Gabéric, envoyé au centre de formation de l'EA Guingamp), Guillaume Lautredou (QKFC au stade Brestois), Alan Louédoc (Plouvorn au Stade Brestois) ou Quentin André. " La priorité est au scolaire. On est très sensible à leur comportement. On veut des joueurs bien dans leur tête. On veut les amener à leur meilleur niveau. Ils ont quatre séance par semaine, 29 garçons en 4ème/3ème, tous licenciés dans les clubs du Finistère, et un équilibre Nord/Sud". Né à Callac, Pascal Razer est à l'image du Centre-Bretagne: attachant, simple, généreux et têtu sans être obstiné. Il a grandi avec les strates de sa vie, tout en se protégeant avec un clan famillial très proche. Fédérateur et éducateur, il est un des leviers dans la formation des jeunes. " Je prévois une explosion et une révolution du football dans le Finistère dans les deux ans, en jeune et en senior. Le travail caché sortira au grand jour. Les éducateurs se professionnalisent. C'est une force qui va apporter tellement à leur club d'origine". La révolution Pascal Razer n'a décidément pas fini de tourner en centre-Bretagne et dans le Finistère.
Christophe Marchand