" J'adore ce joueur", très souvent cette réflexion, qui m'est personnelle, intervient proche de la demi-heure de jeu. Parce qu'il y'a un geste, une ouverture, qui me fait allumer l'interrupteur du cerveau, un inattendu qui fait naître une évidence. Des flashs, je repense à l'action vers la demi-heure, d'un petit pont sur un joueur du Stade Rennais B, ou l'ouverture sur Sullivan Le Noc, dosée et travaillée vers une zone voulue, dans le dos des défenseurs, obligeant le gardien du CPB Bréquigny à faire un sprint trop long, à la 26ème minute. En me tournant vers le spectateur le plus proche à ma gauche ou ma droite, il y'a aussi un même ébahissement. Ce joueur, c'est le Quimpérois, Jocelyn Laurent, 28 ans, latéral gauche des Paotred Dispount. Il rend simple le football, à le regarder jouer, on aime à penser ou plutôt on a la naïveté de penser que le football est facile. Kilian Bourglan racontait qu'il aimait jouer avec Jocelyn Laurent, dans le même couloir, parce qu'il y'avait cette connexion qui le sécurisait et lui donnait un supplément de confiance. Avec Guillaume Buon, Jocelyn Laurent a changé la face de cette équipe des Paotred Dispount, qui est aujourd'hui au niveau de la National 3, après avoir démontré des fragilités sur ces deux premières tentatives. Derrière le joueur, l'homme est aussi tout intéressant parce qu'il y'a une subtilité, une intelligence de paroles derrière ses performances, toute une recherche personnelle pour se donner les meilleures chances de performer, une attitude "pro" en amateur.
Légende: A 28 ans, Jocelyn Laurent rayonne à son poste de latéral gauche, aux Paotred Dispount.
" Le match du CPB Bréquigny, nous l'avons bien maîtrisé. Le contexte d'un match reporté de 30 minutes au départ, est plus facile à absorber pour nous que pour les Rennais. On a gardé la "dalle", tout le match. On s'est échauffé beaucoup de temps pour prendre ce meilleur départ. Avoir ses supporters aussi, parce que ça a permis aux retardataires, d'être là au coup d'envoi. Au match aller, nous avions joué Bréquigny, mais c'est un stade avec moins de 50 spectateurs au match. Il y'avait presque plus de supporters de chez nous. On était porté par notre public, le temps était bien. Pour moi, ce match contre Bréquigny, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas été vers l'avant. Comme nous le faisons pas sur les précédents, on était frustrés, à chaque fois. Contre Vannes, on joue trop bas, en deuxième mi-temps, on se dit que finalement, on peut attaquer dans ce match, mais au final, tu as perdu 45 minutes. Locminé, aussi, nous avions eu ce regret, il faut arrêter de calculer, maintenant, il reste 8 matchs dans le championnat", explique Jocelyn Laurent.
Après un premier parcours au Quimper Kerfeunteun FC, un départ sur le tard, à 17 ans, au FC Lorient, Jocelyn Laurent a évolué de nombreuses années en réserve du FC Lorient, en National 2, avant de grimper un cran au-dessus à l'US Concarneau. Deux saisons en National, pour un éphèmère projet au SC Toulon (Var, N2), et une année en N3 à l'AS Vitré. Le retour dans le Sud-Finistère a été un choix personnel. Quelques mois après, il apprécie cette période de vie qui lui permet d'avoir le luxe d'organiser son temps dans un timing bien précis.
" Cette attitude que nous avons montrée face au CPB Bréquigny, va nous faire du bien. Même si les résultats ne nous sont pas extrêmement favorables. Le coach, c'était aussi ça son discours avant le match: le combat jusqu'au bout et arrêter de calculer. Le seul match qui nous a vraiment fait du mal, depuis le début de notre championnat, c'est celui au Stade Pontivyen. On était passé à côté, ça permet d'avoir des rappels. On est face à des matchs déterminants, Plabennec et Lannion, il faut avoir la même attitude que face au CPB Bréquigny, partir dans l'ambition de gagner. On récupère tout le monde, avec le retour de Marlon (Ucuncu) dans l'effectif. Ca signifie de la concurrence, il y'en a forcément qui joueront moins, mais tout le monde doit se battre ensemble. Il y'a le retour de Nicolas Moucazambo, aussi, Jordan Herry, qui est sur la voie du retour. Même le fait d'avoir du monde aux entraînements, ça fait du bien"
Son rapport à la performance est aussi très intéressant. D'être bon sur le terrain, c'est une sorte d'iceberg emergé, mais il révèle toute la partie immergée, la plus conséquente, qui lui permet de la rendre visible sur les 90 minutes du match.
" Mon mois sur la touche en septembre, ça a été frustrant, mais il fallait en passer par là pour les années à venir. J'ai eu un trou au mois de novembre/décembre, avec une blessure aux ischio-jambiers. Je sens que j'ai la dalle à ce moment de la saison. Je suis à fond, je prends énormément de plaisir à jouer. La plupart, ce sont des potes depuis longtemps dans l'équipe. Il y'a le travail à côté, la vie personnelle, je suis dans un moment où tout se passe bien. Je suis content, après, je fais hyper-attention, j'essaie d'être rigoureux, même avant les entraînements. Faire du vélo à la maison, des exercices. Il n'y a pas de hasard non plus. Oui, j'ai joué plus haut, mais ce que je trouve fou, c'est que je suis plus rigoureux qu'avant. Je suis arrivé à 28 ans, et une carrière, finalement, c'est court. Je connais mon corps parfaitement. Les échauffements, je les faisais peut-être moins avant. Il y'a tout le travail invisible que je fais en amont d'une séance d'entraînement ou même avant le match, à mon domicile. Je suis obligé de le faire. Par exemple, quand je me suis blessé aux ischio-jambiers, je m'en suis voulu parce que je me suis dit que je n'avais pas fait les efforts suffisamment avant. Je me sens bien sur le terrain, le coach me fait confiance aussi dans cette gestion personnelle", concède Jocelyn Laurent.
Rongeant son frein sur la touche, sur le mois d'Août/Septembre, à cause d'un statut mouvant de joueur fédéral ( à Vitré) à un autre amateur aux Paotred Dispount, son arrivée commune à celle de Guillaume Buon a tout changé début octobre à l'équilibre et à la confiance de cette équipe. A son poste de latéral gauche, il est dans la lignée d'un Vincent Le Goff ou Maxime Etuin, qui donne à Quimper, d'avoir formé à la base trois purs gauchers au toucher de balle hyper-soyeux.
" Mon ouverture sur Sulli ( Le Noc)? Ces passes, j'adore les faire. C'est quelque chose que j'ai gardé de ma formation au FC Lorient. Je n'avais pas forcément ce geste avant Lorient. Mais parce que dans une passe, il y'a toujours une connexion avec un autre joueur. Mes coéquipiers connaissent à me connaître, et je les connais aussi. A l'avenir, si nous continuons à travailler de cette façon, on se trouvera les yeux fermés sur le terrain. L'objectif, c'est ça en réalité. C'est que Guillaume( Buon), Marlon ( Ucuncu) ou moi, et tout ceux qui sont là depuis longtemps au club, on a prévu de faire quelques années, ici, aux Paotred Dispount. Je me dis, cette saison est la première sous ce maillot. On va réussir à se maintenir en N3, et nous sommes convaincus que ça sera encore mieux les années d'après. C'est ce que voulait faire le coach ( Mikaël Caoudal), le président ( Jean-François Lagadec), et la cellule qui a fait le recrutement de cette saison, il y'avait cette volonté d'installer un groupe sur un cycle. Ma saison, je la vis avec un peu moins de pression qu'avant parce que je ne travaillais pas en dehors du football. Ce sport était mon métier. Je prends énormément de plaisir, cette saison, parce que la journée, je bosse comme agent immobilier, à Concept Immo. Dans mon métier, j'ai beaucoup de rendez-vous, en soirée, mais j'ai beaucoup de chances car je travaille avec Marc Labat ( ancien joueur des Paotred Dispount). Quand je ne suis pas disponible, lui est disponible, et inversement. On s'entraide énormément".
En doublon sur le terrain, aussi dans la voie professionnelle, son choix de venir aux Paotred Dispount, s'imprégner d'un projet ambitieux et local, a été très bon. Arrivant à 28 ans, dans une parfaite connaissance de son poste, Jocelyn Laurent donne cette impression de maîtriser parfaitement son football, de la réciter même à chaque match. Et d'émerveiller les spectateurs, sur une passe, un geste qui rend un esthétisme, un raffinement, et une touche différente aux autres joueurs.