Stéphane Guivarc'h: " Ma force? Mon caractère parce que rien n'a été simple
De sa génération sacrée, à Mulhouse, au stade de l'Ill, en coupe Gambardella avec le Stade Brestois 29, en 1990, face à Grenoble (3-1), Stéphane Guivarc'h fut le seul de son équipe à connaître les cimes de son sport. Son caractère en acier trempé est incontestablement pour beaucoup pour quelqu'un qui a toujours fait de la valeur travail, un constant refuge. " Ma force de caractère m'a porté vers ce haut-niveau. J'ai beaucoup travaillé pour en arriver là. Après, chaque fin de séance d'entraînement, je restais 15 à 20 minutes supplémentaire pour peaufiner mes gammes. Notamment avec Dominique Cuperly, à l'AJ Auxerre. En match, tout se joue en quelques secondes pour un attaquant. Face au but, j'avais cette seconde de différence sur les défenseurs. Je n'avais pas besoin de regarder le but, je savais l'angle à appliquer à mes tirs, à force de répétition de ces gestes spécifiques". Immortalisé par la victoire en coupe du monde 1998, le 12 juillet, face au Brésil, il reste même après la deuxième étoile accrochée de l'équipe de France, en Russie, en 2018, le seul Breton auréolé d'un succès dans la plus grande compétition sportive planétaire. Cet obstiné du but a connu une sacrée carrière, de Brest, à Auxerre, en passant par Newcastle et les Glasgow Rangers. Mais en restant toujours fidèle à ses racines et à son cocon trégunois, où il est aujourd'hui dirigeant à l'US Trégunc. " Trégunc, c'est le club de mes débuts de mes 6 à 11 ans, avant de partir à l'Hermine Concarneau, de mes 11 à 14 ans".
Le début fut idyllique avec cette victoire en coupe Gambardella ( le seul trophée majeur encore à ce jour du Stade Brestois 29), mais la chute fut aussi fulgurente avec ce dépôt de bilan brutal survenu en décembre 1991. Stéphane Guivarc'h y avait signé en juillet 1991 son premier contrat professionnel, à 21 ans, en plein service militaire, à Brest. Avant de s'engager à Guingamp, en décembre, effectuant les entraînements, à Plabennec. " J'effectuais mon service militaire, à cette époque. A Guingamp, nous finissons 10ème d'une poule unique en D2, la première année, avant de descendre la seconde. Le club a été intelligent en National, en gardant les jeunes et recrutant l'entraîneur, Francis Smerecki. Dès le recrutement des Richard Lecomte, Hubert Fournier, nous avons senti que l'équipe tournait très bien".
Le trident offensif, Carnot, Rouxel, Guivarc'h reste à jamais dans la mémoire rouge et noire. Le Trégunois finit meilleur buteur du National avec 28 buts, 23 buts lors de la montée de D2 en D1. Suffisamment pour aiguiser l'intérêt de Guy Roux, l'entraîneur de l'AJ Auxerre qui adore ce type de profil, à l'image de Gérald Baticle (recruté à Amiens, D2) ou Lilian Laslandes (recruté à Libourne Saint-Seurin, D3). " J'ai négocié sans agent avec Auxerre. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous avions fixé avec Guy Roux, le rendez-vous pour la discussion et signature du contrat, dans un restaurant à Trémuson", précise Stéphane Guivarc'h.
A 25 ans, il paraphe un contrat de quatre ans avec le club icaunais. Après deux doublés sur les quatre premiers matchs, face à Monaco et Gueugnon, il subit un coup dur avec une fracture du péroné. " J'ai été arrêté deux mois. Lilian Laslandes a profité pour prendre la place et tourner bien. Guy Roux ne changeait jamais son onze majeur quand l'équipe marchait. Je n'ai jamais rechigné à jouer en réserve, je joue face à Valence en quart de finale de la coupe de France, mais quelques jours après, je suis convoqué en réserve à Sochaux B. Je ne fais pas la gueule, j'y vais et marque les deux buts de la victoire (1-2). En fin de saison, j'ai cassé les pieds à Guy Roux pour qu'il me prête. Et suite au départ de Marco Grassi, je signe au Stade Rennais, un an en prêt".
Auteur d'une superbe année à Rennes, avec 22 buts en championnat, meilleur buteur, Stéphane Guivarc'h retourne après l'AJA Auxerre. " J'ai encore deux ans de contrat avec l'AJA. Je voulais rester à Rennes, où j'avais vécu une belle saison. Guy Roux a voulu me récupérer après que nous avions gagné contre Auxerre, 1-0, à la route de Lorient".
Cette saison pré-coupe du monde 1998, sera celle de sa carrière, celle qui sera restée dans la mémoire des gens. Sa première titularisation en équipe de France, à 27 ans, en équipe de France, face à l'Afrique du Sud, à Lens (2-1, premier et unique but en Bleu), et sa saison marathon avec .... 72 matchs, 46 buts, avec l'AJA Auxerre. " Je suis arrivé cramé à la coupe du monde 1998. A Auxerre, j'avais des joueurs dans les couloirs. En équipe de France, non, j'étais seul, devant faire des efforts sans cesse. Mon premier match face à l'Afrique du Sud (3-0), à Marseille, je me fais une distension des ligaments. Normalement, la compétition est finie. Mais pour une coupe du monde, je fais des sacrifices énormes, j'en ai vraiment bavé pour revenir, passant au-delà de la douleur. Mes regrets se situent sur la finale et ne pas avoir marquer ce but. Sur ma situation face au gardien brésilien, personne ne me crie seul dans mon dos. J'aurai agi différemment si j'avais su que j'avais plus le temps pour armer. L'équipe de France, ça reste ma fierté, avec des hauts et bas".
L'émergence des Thierry Henry, David Trézéguet ou Nicolas Anelka bouchera l'équipe de France pour Stéphane Guivarc'h. Avec les anecdotes qui entourent la période charnière, post coupe du monde. " Avant de m'engager à Newcastle, je devais signer au Paris Saint-Germain. La somme du transfert était de 35 millions de francs (5,3 millions d'euros). Tout était calé, j'avais rendez-vous dans un hôtel parisien pour le finaliser mais Charles Biétry, le président du Paris SG a mis son véto. A Newcastle, je n'ai pas eu de chance, Kenny Dalglish, le coach, qui me voulait, est licencié au bout de deux journées, et je ne me suis jamais entendu avec Ruud Gullit, son successeur. Je suis ensuite prêté aux Glasgow Rangers, mais à part le derby contre le Celtic, le championnat n'était pas du même niveau. Je gagne le coupe d'Ecosse. A 30 ans, je reviens à Auxerre".
Après deux ans, à Auxerre, Stéphane Guivarch prend la décision de casser le contrat existant pour revenir en Bretagne, à Guingamp. " Je suis revenu en Bretagne parce que ma mère est tombée très malade. Je ne voulais pas laisser mon père seul dans cette période, alors pour accompagner au mieux ma mère et épauler mon père, je suis revenu près de mes proches. Je veux aussi rétablir la vérité, car je suis arrivé en parfaite santé à Guingamp. Le check-up médical d'entrée était très bon. Peu de temps après, je me fais opérer du genou, du ménisque externe. Je la traîne toujours depuis car j'ai toujours une douleur".
Achevant sa carrière, à ses 32 ans, Stéphane Guivarc'h n'a aucun regret sur sa carrière, étant parvenu à son maximum. " J'ai fait ce que j'ai pu. Il me manquera d'avoir marqué un but en coupe du Monde sur le maillot bleu. Ca s'est joué sur des détails. Après, je reste un amoureux du foot. Je suis le joueur le plus titré du football breton. Je ne ferme pas la porte à un retour dans ce football de haut-niveau. S'il y'a une opportunité, pourquoi pas. Etre champion du monde n'a pas changé ma vie. La perception des autres a changé mais je suis resté le même, avec mes valeurs. J'ai grandi dans un tissu familial très soudé. Mon père, Pierre-Yves (aussi un excellent buteur à Trégunc, en PH), travaillait à l'usine. Rien n'a été simple dans mon parcours pour y arriver. Ma force de caractère m'a fait rebondir à chaque épreuve. Je me suis toujours réfugié dans le travail pour faire face. Mon travail dans le football, c'était de mettre des frappes dans le but. Sur le terrain, je frappais touours. C'est d'ailleurs pour ça que Guy Roux a caché les ballons aux échauffements d'avant-match, car je ne m'échauffais jamais avec les autres. Je prenais les ballons du sac, et je les frappais dans le but. Il avait peur que je me blesse à froid. Attaquant, c'est un rôle précis. Il faut l'avoir en soi, ressentir aussi profondément la fierté de marquer"
Sponsorisé par le groupe Trécobat, constructeur de maisons individuelles, cinquième volet consacré l'unique joueur breton, champion du monde, le Trégunois, Stéphane Guivarc'h.
En plein dans l'actualité de l'Euro 2021, les épisodes précédentes de cette série Les Capés du Finistère ( + 10 sélections):
1- Loulou Floch (1970-1973), le voltigeur léonard
2- Yvon Le Roux (1983-1989): " L'équipe de France a toujours été une période heureuse"
3- Paul Le Guen (1993-1995): " J'ai été un international de passage"
4- Corentin Martins (1993-1996): " L'équipe de France a signifié beaucoup, à commencer par être dans les 23 meilleurs français"