Mercredi 12 novembre 2014. De ses premiers pas, au stade de Kerriet, de son premier match avec les CS Penmarc'h à 16 ans et demi, à ce septième tour de la coupe de France avec l'AS Plobannalec-Lesconil, Yann Raphalen est un mélange d'humilité et de passion, à la dévotion du ballon. A 38 ans, le gardien Penmarchais replonge dans le tourbillon d'une nouvelle aventure en coupe de France. Son parcours respire et force le respect. " Petit Yann" a grandi en conservant ses valeurs de départ: une franchise et une honnêteté, barrières à haut niveau mais qui lui ont permis de se faire unanimement apprécier par un très grand nombre de personnes.
Capitaine du Stade Brestois en 15 ans nationaux, un des meilleurs centres de formations de France, en 1990, Yann Raphalen a mûri d'un coup, à 15 ans, en prenant une vraie leçon de vie: de la lumière à l'ombre d'un milieu guère dans le sentiment. " Je n'étais pas prêt mentalement. Ma première année au Stade Brestois est une totale réussite. Je suis nommé capitaine de l'équipe avec en coach le père de Patrick Colleter. L'année suivante, le retour de bâton, avec le décès d'un proche, qui m'a beaucoup affecté. J'étais pris dans un tourbillon. Dans ce milieu, il faut être très individualiste pour réussir. Ce n'était pas ma conception du football!".
Soutenu par sa famille, "Petit Yann" revient à Penmarc'h, avec une possibilité de rebondir dès l'année suivante au SCO Angers avec Bernard Nicolas. " Il aurait fallu que je remette le pied à l'étrier de suite mais je ne voulais plus. J'étais dégoûté du football. Je ne voulais même plus entendre du poste de gardien de but. En moins de 17 ans, j'ai même joué une année dans le champ". Revenu à la source de Kerriet, Yann Raphalen reprend goût au football et retourne dans les cages. Au CS Penmarc'h, son club de coeur. A 16 ans et demi, en 1992, il fait sa première apparition dans les buts du CS Penmarc'h. L'époque est à la bande des Guy Palud, Franck Sévignon, Christophe Le Goff, Mich' Guichaoua. 12 ans d'une aventure sportive, chaque week-end, à défendre le maillot or et noir, jusqu'à cette cicatrice de l'hiver 2004.
" Je suis un déraciné. Avec les Cormorans, j'ai eu une félure qui ne s'est jamais refermée. Au mercato d'hiver 2004 quand les dirigeants m'ont refusé une lettre de sortie pour rejoindre l'US Concarneau", avant de poursuivre, " Concarneau recherchait un gardien en première. Ils m'ont fait une proposition en décembre 2004 pour me voir confier le poste. Je pensais que pour services rendus, le club donnerait son aval. Je ne l'ai pas eu. Je ne suis parti qu'à l'intersaison suivante mais dans ma tête, le ressort était cassé à toujours avec les CS Penmarc'h. Je suis à 99,9% avec l'AS Plobannalec-Lesconil. Je donne tout pour ce club mais je n'oublie pas mes racines qui font de moi un Cormoran, et qui me renvoie enfant aller voir les matchs avec mon père et mon grand-père, Jean-Yves et Yvon, tous les week-ends, à Kerriet".
Arrivé à 29 ans, en juillet 2005, à l'US Concarneau, Yann Raphalen reviendra plus fort dans son pays Bigouden, deux ans après. En goûtant à un match de CFA face à Vitré (tiens, tiens...), il s'éclate avec un entraîneur exigeant et attachant, Michel Jarnigon et avec la bande des Gaétan Naour, Franck Le Fillastre, David Le Pors en DH. " J'ai vécu de superbes moments dans ce club. J'ai coupé le cordon. Dans les entraînements, dans le staff technique, c'était du très haut niveau. Les séances gardiens avec Pascal Laguillier m'ont marqué. Au bout des deux ans, j'ai été clair. Je leur ai fait une proposition qui je savais, serait refusée: à savoir une concurrence égale et juste avec Yohan Boulic, le gardien titulaire de la première".
être bon est une attention constante à de multiples détails
Avec la naissance de Simon, son second fils, après Hugo, en 2006, Yann Raphalen, avec l'accord de sa compagne Anne, s'engage pour un autre challenge, celui de l'AS Plobannalec-Lesconil. L'équipe, entraînée par Gwendal Olivier, a enchaîné sur deux montées consécutives et tient là un sacré renfort. " Gwen m'avait déjà contacté en 2004 quand il a pris la tête de l'équipe. Je ne voulais pas jouer en PH mais je n'avais pas écarté cette piste pour la suite de ma carrière. Deux ans après, le club montait en DSR. Je suis arrivé dans mes petits souliers. Mon rôle était surtout apporter mon expérience et aider les plus jeunes. Leur philosophie se calait parfait à la mienne: une strucutre familliale avec des personnes-clubs: Gui Lux (Guillaume Lucas), Cédric Charlot, Julien Le Donge, Yann Simon, Dom' et Mich' Gourret, Yannick Le Moigne, à la buvette... La force du club est de ne pas mettre de barrières entre ses membres et dirigeants. De la A à la E, en passant par les jeunes et l'école de foot, nous faisons partie du même club, avec des valeurs similaires".
Etablie en DSE, l'AS Plobannalec-Lesconil aborde, ce samedi, son troisième tour de la coupe de France en 10 ans, face à l'AS Vitré, à 19 heures, à Penvillers. Yann Raphalen, ayant joué face à cette même équipe au 8ème tour en 2004 avec les CS Penmarc'h, ne fera pas face à ces obligations. " Pour l'instant, nous n'avons pas fait d'exploit. Nous avons été sérieux et impliqués. Pour aller plus loin, nous savons que nous devrons sortir un gros match. Nous avons tous des obligations les uns envers les autres. Si je n'apporte plus rien, je m'arrêterai de suite. Ca passe tellement vite que j'en profite différemment aujourd'hui. Raph' Corcuff, gardien à l'ASPL, me pousse à être meilleur à chaque entraînement. A ce niveau, être bon est une attention constante à de multiples détails".
Je ne gagnerais jamais un match tout seul
La force de ce collectif de l'AS Plobannalec-Lesconil est d'être lié très intensément à chaque maillon de l'équipe. Celui qui sort de cette logique, s'écarte de lui-même de la philosophie de jeu du groupe. " Bien défendre est une affaire collective. Il ne faut pas seulement penser à ton périmètre d'action mais englober celui de tes coéquipiers. Un exemple? Le match de saint-Renan, cette saison, à Pont-Plat, quand je sors à la rencontre de leur attaquant, je m'aperçois à mi-course que je serai trop court. De suite, je me reconfigure dans l'action en me concentrer seulement à lui faire réduire son angle de tir car ça donnait plus de temps à "Jo" Scoarnec de revenir défendre le but".
Fan de Joël Bats dans sa jeunesse, modèle par son efficacité, sa sobriété, et sa recherche du plongeon juste et utile, Yann Raphalen fait partie de ces derniers mohicans de gardiens, qui recherche plus une forme épuré de jeu et une intervention utile. " Je joue sur mes qualités. Je ne gagnerais jamais un match tout seul. Je ne suis pas très grand, mais j'ai les yeux et les jambes. Sur 15-20 mètres, je suis encore très rapide. Je compense par une bonne lecture et une anticipation de l'angle de tirs, suivant la position du corps de l'attaquant et celui de mes défenseurs".
Son après-carrière? Il ne la voit pas entraîneur. Trop solitaire, trop égoïste à ses yeux. " Quand je m'engage, c'est pour être le meilleur possible. Si c'est pour ne pas être bon, je n'en vois pas l'utilité. Je suis encore à fond dans mon rôle de joueur. Ma réserve m'empêche de me livrer encore plus dans la vie du groupe. J'aimerais dès fois dire plus de choses devant le groupe. Entraîneur? Je pense que je ne serais pas bon. Je suis trop égoïste. Je me fatiguerai vite et je perdrais sûrement patience".
Dans sa droite ligne, le Menhir Bigouden n'a jamais dévié de sa franchise et de son honnêteté. Il reste celui qui a toujours été. S'il a quelque chose à vous dire, il vous le dira entre quatre yeux, jamais vous ne l'apprendrez par la bande. Dans son périmètre préféré, il règne depuis 22 ans en senior. Une longévité extraordinaire pour un joueur seulement arrêté par une hernie discale, un an. Ce samedi soir, il enfilera une nouvelle fois les gants face à l'AS Vitré pour parer à toutes tentatives de tir. Avec dans son viseur, un 8ème tour de la coupe de France.
Christophe Marchand