15/12/2020

DANS LE RETRO : Entretien avec Mich'Du, la légende du Stade Quimpérois

Mercredi 4 décembre 2013. Durant les années 1974-1977 et 1981-1982, quatre saisons marquées sur le couloir droit, à Penvillers, par les déboulées d'un latéral d'exception, le Camerounais de Bafang, Michel Kaham. Le public de Penvillers avait fait de ce joueur, son chouchou, haranguant par des Mich' Du, toutes ces interceptions et montées rageuses. Le Stade Quimpérois brillait alors en D2. Un temps révolu depuis 25 ans. Toute une jeunesse, qui a grandi, sur Quimper dans les années 90 et 2000 n'a pas connu cet extraordinaire aventure du Stade Quimpérois, qui défendait fièrement les couleurs de la ville au plus haut niveau national. Directeur du centre de formation de la Kadji Sport Association, à Douala, Michel Kaham, 62 ans, a, par le biais de cette structure, formé les plus grands joueurs Camerounais de la dernière génération. Et il a été un des tout premiers à déceler l'énorme potentiel de Samuel Eto'o Fils, qui est aujourd'hui reconnnu parmi les cinq meilleurs joueurs de la planète football.

Cette année, l'ancien joueur du Stade Quimpérois était promu le 20 Mai 2020, jour de la Fête nationale, Commandeur de l’Ordre de la Valeur. Cette distinction lui a été remise par son Excellence Monsieur Paul BIYA, Président de la République du Cameroun. L'ordre de la Valeur est la plus haute décoration honorifique camerounaise qui récompense les services éminents rendus à l'État du Cameroun.

Le mardi 4 février 2014, la légende du Stade Quimpérois avait accordé un entretien à Newsouest, en particulier sur son passage dans la Capitale de la Cornouaille  :

1- Les supporters Quimpérois ne vous ont jamais oublié, et vous, Michel, avez-vous oublié Quimper?  " Non je ne suis pas prêt d'oublier les supporters de Quimper. Je garde de Quimper de très beaux souvenirs sportifs et humains. J’étais l'un des chouchous du stade de Penvillers et j'entends encore ce public scander Mich Du, Mich Du avec sympathie à chaque fois que j'entreprenais mes offensives... D'autre part, ma fille Patricia est née à Quimper le 15 Octobre 1981 alors que ce jour-là même, le Cameroun avec moi se qualifiait à Yaoundé pour la phase finale de la coupe du monde 82 en Espagne ".

2- Quels souvenirs marquants conservez-vous de vos quatre années à Quimper? " Quimper constituait pour moi, le baptême dans le football européen. Alors, cela a été pour moi une très bonne expérience en tout point de vue; perfectionnement technique et tactique avec les coachs Marcel Mao et Robert Devilder, et intégration dans le milieu sportif européen. Les derbys contre Concarneau, Penmarc'h, la réserve de FC Nantes en D3 mais aussi contre Lorient et Brest en D2 sont de très bons souvenirs. Je me souviens aussi des aller et retour que je faisais entre Quimper et Brest pour suivre mes cours à l’université de Bretagne à Brest; mais aussi des sorties avec mes coéquipiers vers Bénodet et Fouesnant, les soirs de victoire. Pour finir, j'adore les crêpes et les fruits de mer... depuis mon passage à Quimper ".

3- Après votre saison au Canon de Yaoundé en 1973/1974, comment avez-vous atterri à Quimper? " En 1974, lorsque je décide de partir pour la France, je connaissais un ami camerounais à Rennes, Lea Charles, footballeur professionnel. A mon arrivée à Rennes, qui possédait déjà son quota de joueurs étrangers, Lea Charles me présente au coach du Stade Rennais, Réné Cedolin qui me recommande à Marcel Mao, entraîneur à Quimper. La suite ira très vite; au bout de 3 séances d'entraînement avec le Stade Quimpérois, je signe un contrat avec le Président Charles Le Bihan et le vice-Président Bevout Yves ".

4- Vous avez joué la coupe du monde 1982 en Espagne et vous étiez dans l'encadrement des Lions en 1990 en Italie. Quelles sont les chances du Cameroun en 2014 au Brésil? Poule difficile et ouverte avec le Brésil, le Mexique et la Croatie? : " Le Cameroun a une chance pour accrocher la 2éme place dans sa poule. Le Brésil est le favori logique mais dans un bon jour et avec une bonne préparation, nous avons nos chances réelles face au Mexique et la Croatie. L'ossature de notre équipe joue dans les grands clubs européens... Le capitaine Eto'o, Nkoulou, Chedjou, Nguemo, Mbia Stephane, Song, Aboubacar etc... ont une valeur reconnue... Tout dépendra de notre sérénité et du mental..."

5- Qu'est ce qui vous a poussé à prendre la direction de la Kadji Sport Academy? : " Aprés la coupe du monde 1982, j'avais reçu une offre pour jouer dans le championnat américain avec le concours de mon coéquipier Jean Pierre Tokoto qui y jouait déja. J'ai joué pendant 6 ans aux USA à Cleveland Forces et Kansas City Comets. Parallèlement, j'y ai passé mes diplômes d’entraîneurs de football jusqu'à la Licence A. En 1988, je rentre au Cameroun et intègre l'encadrement technique; je dirige une équipe de première division, le Diamant de Yaoundé et ensuite l'Olympic de Mvolyé puis Unisport de Bafang. Entre temps, je suis désigné entraîneur national adjoint lors de la coupe du monde 1990 en Italie. En 1994, je rencontre un industriel, monsieur Kadji Gilbert qui m'invite à l'accompagner dans son projet de centre de formation, la KSA. Parrainé par Le Havre FC, nous ouvrons ce grand centre qui aujourd'hui fait la fierté du Cameroun ".

6- Est-ce une fierté d'avoir formé par le biais de l'académie les plus grands joueurs Camerounais actuels (Samuel Eto'o, Nicolas N'Koulou, Aurélien Chedjou, Stéphane M'Bia)? " On ne peut qu'être fier d'un tel accomplissement; les anciens de la KSA constituent aujourd'hui l'ossature de notre équipe nationale : Eto'o, Nkoulou, Chedjou, Mbia Stephane, Kameni Carlos, Makoun Jean2, Moukandjo, ça fait rêver...".

7- Gardez-vous contact avec tous ces joueurs, une fois qu'ils ont quitté la KSA? " Nous gardons le contact avec tous ses jeunes malgré leur programme surchargé. Je les rencontre régulièrement lors des regroupements de notre équipe nationale; ils sont restés très respectueux et nous ne cessons de les encourager à faire toujours honneur à leur réputation ".

8- Samuel Eto'o était-il dès l'adolescence au-dessus du lot? " J'ai découvert Samuel Eto'o dans mes multiples détections que la KSA organisait à la recherche de jeunes talents... Je me souviens du match ou j'ai remarqué Samuel Eto'o. Je fus tout de suite frappé par son sens du but inné, sa rapidité, sa finesse et son adresse hors du commun; la suite a tout confirmé. En effet, tout jeune, il était déjà au-dessus du lot...".

9- Comment voyez-vous de loin la situation difficile du football à Quimper avec la disparition du stade Quimperois et une équipe fanion aujourd'hui en 7ème division Française? " C'est pénible de constater la disparition du Stade Quimpérois qui jadis rivalisait avec les Brestois...ce qui créait une certaine rivalité et même un rapprochement entre le Finistère-Sud et le Finistère-Nord. Je pense que le football reste un vecteur de publicité pour une ville et j’espère qu'un jour cette envie-là reviendra dans la cité de Quimper...C'est mon souhait ".

10- Gardez-vous des contacts avec vos anciens coéquipiers Quimpérois? " Pas vraiment, ils sont un peu dispersés aujourd’hui. J'avais rencontré Morvan puis Jacques Riou dont la maman tenait une bonne crêperie... quant aux Delabarre, Bechennec, Loheac et autres, je me demande ce qu'ils sont devenus. J'ai retrouvé plusieurs fois Jean-Noël Dusé et Serge Le Dizet qui sont devenus des entraîneurs reconnus ''.

11- Est-ce q'une équipe Africaine gagnera un jour la coupe du monde? " Une équipe africaine ,vainqueur d'une coupe du monde, ce n'est pas pour demain. Le fossé sur le plan de l'organisation, sur le plan des infrastructures, sur le plan de l'encadrement et de la formation des joueurs, sur le plan économique; tous ces retards font que l'Afrique aura du mal à conquérir ce titre mondial que convoite jalousement toutes les grandes nations. Et en plus, les meilleurs joueurs africains n'hésitent plus à changer de nationalité pour s'assurer de meilleures conditions de vie. Mais qui sait, sur un coup, comme le Cameroun en 1990 ou le Sénégal, plus tard et le Ghana d'aujourd'hui l'Afrique peut surprendre... En foot,c'est permis de rêver ".

PS: Je voudrais terminer en transmettant toutes mes amitiés aux Quimperois. Aujourd’hui, je suis membre du comité de normalisation désigné par la FIFA pour réorganiser le football camerounais, réviser les statuts et organiser de nouvelles élections. Je n'ai pas oublié les très bons moments passés à Quimper. J'y reviens toujours avec plaisir. A la prochaine et merci! Kenavo!

Propos recueillis par Christophe Marchand avec un grand merci à Jean-Michel Landrein, véritable encyclopédie du Stade Quimpérois, sans qui cet article avec les photos de l'époque n'aurait pu se faire.

 

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