« Même à l’entraînement, nous mesurons pleinement notre chance », glisse Rahmane Barry. A 34 ans, l’étincelle de l’US Montagnarde profite intensément de ces instants magiques. Face au Stade Briochin (National), en 32ème finale de la coupe de France, il a encore régalé par ses gestes de classe, dont un de toute beauté face à Christophe Kerbrat et Maël Illien pour l’ouverture du score (1-1, 3-2 TAB). Au club d’Inzinzac-Lochrist, depuis huit saisons, il en est un des symboles. Courroie majeure du jeu, il est indispensable à ce collectif morbihannais, au même titre qu’un Kévin Amisador ou Mickaël Tison, autres tauliers de cette équipe.

Arrimé à son club de l’US Montagnarde, Rahmane Barry a connu le sommet de son sport. Lié à son club formateur de l’Olympique Marseille, avec des entrées en coupe Intertoto, au côté de Mamadou Niang ou Franck Ribéry face à La Corogne (victoire 5-1), des Youngs Boys de Berne en ligue des champions, ou encore une demi-finale de la coupe d’Afrique des Nations en Egypte en 2006, avec le Sénégal, il a connu une trajectoire ascensionnelle, avant de se ressourcer à l’US Montagnarde.
« Il m’a fallu du temps pour faire une croix sur ma carrière professionnelle. Ca a été très difficile. Je ne connaissais rien du football amateur, de ses contraintes et spécificités. En pro, tout est cadré, organisé pour mettre le joueur dans les meilleures conditions. A 26 ans, j’ai arrêté ma carrière professionnelle. Comme ma femme est Lorientaise (rencontrée lors de son passage au FC Lorient), nous sommes revenus dans le Morbihan. Je voulais un club avec un bon niveau, tout en ayant des valeurs ». Par le hasard, porté par une bonne étoile, la route entre l’US Montagnarde et Rahmane Barry s’est entrecroisée pour une relation presque fusionnelle, à partir de ce moment-là.
« L’US Montagnarde possédait tout ce dont j’avais besoin quand j’ai arrêté le football. La Montagne, ce sont des belles rencontres, Lionel Le Gall, qui me considère comme son fils, mon « demi-frère », son fils, Kévin, le président du club, des dirigeants et joueurs fantastiques. J’ai toujours baigné dans cette pression du haut-niveau, être au top tout le temps. Je voulais me redonner cette permission de jouer pour le plaisir. C’était une décision courageuse, à 26 ans, mais qui reposait sur mon intégrité. Mon corps n’aurait pas suivi. J’allais de blessure en blessure, j’ai fini presque dégoûté de ce monde du football. A La Montagne, j’ai retrouvé le plaisir du football pour le football. Quand je dirai stop, je pourrai regarder les dirigeants dans les yeux, car je ne leur devrai rien. Je ne suis pas là pour prendre des sous, à une association, je n’en ai pas beaucoup gagné en professionnel, ce n’est pas pour en demander au football amateur », explique Rahmane Barry.
Ayant fait partie de la génération dorée des Lions de la Téranga au Sénégal avec El Hadji Diouf en leader (Quart finale coupe du monde 2002), il en a définitivement tourné la page pour s’inscrire dans le temps avec l’US Montagnarde. Forcément, cette aventure inattendue en coupe de France jusqu’en 16ème finale, puise ses explications dans un groupe aux qualités remarquables pour la R1.
« C’est définitivement la meilleure équipe de la Montagne, depuis mes huit ans au club. Dans les qualités, dans l’état d’esprit, je n’ai jamais vu un effectif comme le nôtre, à l’US Montagnarde. Les jeunes sont à l’écoute, même patients avec nous les anciens car on les « engueule », mais il n’y a jamais un mot de travers. Après, on jouait tellement bien au ballon, que mon appréhension de début de saison se portait sur l’état d’esprit. J’avais besoin de voir comment dans le dur, cette équipe se comportait. Quand je vois l’abnégation de nos fins de match, contre Dinan ou Saint-Brieuc, c’est remarquable. Ou Mickaël Tison, notre capitaine, courir partout à 36 ans, on ne peut rien lâcher, c’est dans les gênes de cette équipe », ajoute Rahmane Barry.
A Saumur, ce samedi (16h30), le magicien de la Montagnarde espère encore réussir un tour de passe-passe sur la scène ligérienne. Pour prolonger un peu plus ce plaisir énorme, Rahmane Barry le résume d’une manière simple et touchante. « A 34 ans, je le vis sans doute différemment qu’un jeune de 20 ans. Quand on a 20 ans, on n’a pas le même rapport au temps. On se dit toujours que dans un ou deux ans, on pourra refaire un 32ème finale de la coupe de France. Saumur, nous avons une possibilité de passer, le tirage est très bien. Contre le Paris Saint-Germain, nous n’aurions eu que le souvenir, et encore à huis-clos, ce n’est plus du tout pareil, avec zéro chance de passer. Nous avons une chance d’égaler le record du club. On fera tout pour se retrouver le lundi ou mardi soir, à l’entraînement. C’est con, mais plus que la victoire, ou passer un nouveau tour, notre plus grande joie, en cette période confinée, consiste à se retrouver à l’entraînement, à croire que nous n’avons pas envie de rester à la maison (rires) ».
A son image, à celle de son équipe, l’US Montagnarde (R1) défendra le football amateur breton et français, voulant lui associer sa meilleure image. Nul doute que la fédération française de football, organisatrice de l’évènement, a trouvé un très bel exemple, avec le club forgeron.
Christophe Marchand
Toutes les photos créditées Pascal Priol