Ne vous méprenez pas sur le titre. L'objet de cet article n'est pas une déclaration d'amour. Encore que... Le personnage est attachant et je m'y suis attaché au fil des missions communes que nous ont confiées nos journaux respectifs : Le Télégramme et Ouest France. Souvent, nous faisons route ensemble, Pierre et moi, emprutant tour à tour le véhicule de l'un et l'autre. Mais c'est quand Pierre prend sa voiture et que nous allons là où aucun correspondant ne veut aller que la virée prend une autre dimension. Le véhicule de Pierre, une Citroën tout confort agrémentée d'un siège conducteur chauffant, se plie au rythme de son conducteur : Arythmique. Accélérations et décélérations ponctuent le trajet selon que la conversation s'éteint ou s'anime. Une conductrice impétueuse l' a récemment embouti à un rond point - le résultat d'un énième écart de conduite - sans que Pierrot s'en émeuve.
Légende: Pierre L'Haridon, très investi dans le domaine de la course à pied, où il y a toutes ses entrées, de la rédaction d'article, photos des courses jusqu'à être dans le bureau du CD29 ou au QA. Crédit photo: Marc Férec
Dans l'habitacle, la conversation prend parfois des tours étranges. On a du mal à s'entendre. Il faut dire que Radio Bonheur tourne à plein régime et que l'accordéon d'Yvette Horner est un formidable accélérateur d'acouphènes. Quand il voyage seul et que ses missions le conduisent de Plonévez Porzay jusqu'à Carhaix son fief historique (Pierre y revient sans cesse et aucun Carhaisien digne de ce nom ne peut prétendre ne pas le connaître), il lui arrive chemin faisant d'accuser un petit coup de mou.
Une embardée à droite (ou à gauche mais à droite ça vaut mieux) et notre homme s'octroie une micro sieste salvatrice de 10 minutes. Mais j'en oublie le fil de notre conversation. Sur la route nous avons tout notre temps pour causer. Car Pierre n'emprunte jamais la ligne la plus directe. Il n'a pourtant rien de retors, mon cher compagnon de voyage ! Non, ce sont les chemins détournés, les détours insoupçonnés qu'il affectionne. C'est ainsi que samedi dernier pour aller de Plonevez Porzay à Scaër où nous allions de concert (Radio Bonheur diffusait le dernier passage de Nicoletta à l'Olympia en 1949), nous avons cheminé successivement par Quéménéven, La Gare Quéménéven, Briec, Landudal, Langolen et Coray. Pierre s'épanouit dans la ruralité de ces villages au charme suranné et je dois confier que je lui emboîte volontiers le pas. La traversée de chacune des bougades est prétexte à une conversation passionnée sur l'historique de la moisonneuse batteuse, la qualité d'ouvrage d'un petit monument oublié ou la beauté éphémère de l'automne.
Mais voici qu'à l'horizon se profile la champêtre Scaër et sa forêt de Coatloch. Comment se garer au plus près de l'événement (le trail des relayeurs de Coatloch) ? En faisant tomber les barrières (au sens figuré mais aussi parfois au sens propre. C'est ainsi que notre ami faillit un jour - sacrilège - garer sa voiture au milieu du prestigieux green de l'Odet là où même une taupe aguerrie ne pointe jamais le bout du bout du museau).
La manifestation sportive ? secondaire. Que Catherine Letty ce jour là ait remporté le trail courte distance ne changera pas la face du monde. Alors l'interview tourne autour du passé de la jeune femme qui fut naguère membre de l'ALCP et que Pierre entraîna avec Valérie Figuier et une certaine Sandra Levenez. Autant d'athlètes - si j'en juge par les regards échangés - qui lui vouent une reconnaissance éternelle. Mais l'objectif du jour est autre : Pierre s'est mis en tête de tirer le portrait à une certaine Katinka Wiltenburg, une Néerlandaise, gérante du camping voisin dont le conjoint - un solide gaillard au physique de bûcheron canadien - démonta naguère de ses propres mains le skate park jouxtant le camping sous prétexte que la tranquillité de ses clients s'en trouvait bouleversée. L'affaire fit en tout cas grand bruit au coeur du bourg. Or, cette Katinka, ingambe sexagénaire exilée à Scaër, fut une triathlète de renom. Wikipedia en témoignait mais pour illustrer ses exploits, pas de photo ! Pierre se fit fort de réparer la chose. C'était la mission qu'il s'était assignée. Il restait à remercier l'équipe organisatrice pour la qualité de l'accueil, à absorber au passage une friandise oubliée destinée à recharger les accus des traileurs, accessoirement à récupérer les résultats et à prendre le chemin du retour pour reprendre le fil jamais éteint de nos conversations animées.
Carte Blanche à Marc Férec - 1er volet: Avec Pierre L'Haridon ( membre du comité départemental d'athlétisme, au bureau du Quimper Athlétisme, et invétérable passionné de course sur route et de sport local)