La souffrance, il a appris à composer avec 17 ans durant... 17 années de cyclisme en première catégorie qui ont forgé le caractère de Maël Nivinou et peaufiné son endurance naturelle. Aujourd'hui reconverti au trail, c'est avec une fraîcheur intacte qu'il découvre la discipline. En "mode plaisir", comme il aime à le dire. Mais qu'on ne s'y trompe pas : le garçon originaire de Pont-Scorff est resté compétiteur dans l'âme. Un sacré compétiteur ! Son dernier coup d'éclat : le titre de champion de Bretagne d'ultra-trail à Doélan (112 kilomètres) au nez et à la barbe des principaux favoris ; et dimanche dernier encore à Ergué-Gabéric, sur l'exigeant circuit du Stangala, il a damé le pion à un certain Thomas Le Lons, une référence dans le milieu. S'il est encore nouveau dans l'univers du trail (cela fait 4 ans qu'il pratique), Maël Nivinou progresse vite. Son rêve obsessionnel : se frotter de nouveau à la Diagonale des Fous, la plus mythique des courses du Grand Raid, avec la ferme intention d'aller chercher un top 50.
Légende: Après un parcours de 17 ans de vélo en première catégorie, Maël Nivinou, originaire de Pont-Scorff, a un rêve depuis sa découverte avec le trail en 2019, faire un top 50 à la Diagonale des fous à la Réunion. Crédit photos: Guy Jourdren
"La Diagonale des Fous, c'est à travers un reportage ( sur France Ô à l'époque) que je l'ai découverte. Cela a été un vrai choc et l'envie ne m'a plus quitté ensuite de la disputer. Sur ma première en 2019, le rêve a tourné au cauchemar : syndrôme de la patte d'oie. J'ai dû faire à peu près 70 bornes en marchant, en pleurant. Le résultat : une 1051éme place, je n'ai pas oublié., en 50 heures."
Pas question de rester sur cet échec pour notre tenace gendarme qui remet le couvert en 2021. La progression est fulgurante. "Une 136e place en 36 heures et surtout je ne dirai pas que je finis frais comme un gardon, je finis attaqué mais globalement dans un état correct." La suite ? "Eh ! bien ! j'y retourne cette année avec un objectif de top 50. Je pense que c'est réalisable. La Diagonale, c'est une course d'expérience."
Pour maîtriser la Diagonale, qu'on n'imagine pas que l'ex coureur cycliste de l'AC Lanester enquille les kilomètres. "On me pose souvent la question mais pour te donner un exemple, cette semaine je me suis contenté de deux sorties, une de 24 kilomètres mercredi, une autre de 14 jeudi. Je dirai qu'une semaine moyenne pour moi, c'est 8 heures d'entraînement. C'est aussi pour cela que je suis venu au trail. Par rapport au cyclisme, tu peux performer en divisant par deux ton temps d'entraînement. Le cyclisme de toute façon, ce n'était plus compatible avec mon travail de gendarme mobile."
Si le volume d'entraînement est plutôt léger, on suppose que les séances sont intenses. Là encore, erreur ! "Pas spécialement, je dois tourner entre 4'30 et 5 minutes au kilo pour te donner une idée." Le secret ? Un coffre naturel hérité de son passé de cycliste au physique sec ("J'ai dû gagner à peu près tous les prix du grimpeur dans la région.") doublé d'un mental à toute épreuve. "Et si tu es bien dans ta tête, tout devient plus facile."
Tandis qu'on discute aimablement sur la butte qui jouxte la ligne d'arrivée d'Ergué, voilà qu'en contrebas la buvette s'anime joyeusement. L'occasion d'interroger Maël sur son hygiène de vie. Irréprochable ? La réponse fuse. "Tu crois que je m'enquiquine avec ça ! Ce midi avant la course, c'était quiche lorraine, pain pâté et panaché. Et hier soir - j'étais de sortie - 3 ou 4 bières et un verre de rhum. Je suis collectionneur de bouteilles de vieux rhum. Non, j'aime bien l'esprit trail. Un exemple : tout à l'heure, on faisait la course en tête, Thomas et moi. Il tombe, je l'aide à se relever. On s'entraide. C'est convivial. Et se retrouver autour d'un verre à l'arrivée, rien de plus sympa."
Parfaitement à l'aise dans sa peau de traileur, Maël. Et plus globalement parfaitement à l'aise dans sa peau. Professionnellement le garçon savoure sa mutation toute récente à Quimperlé. "Tous mes collègues et mon colonel suivent avec attention mes résultats." Je lui demande s'il bénéficie d'un emploi du temps aménagé. Pas du tout ! Faut pas pousser quand même ! (mais si vous me lisez, colonel, je vous le demande solennellement : accordez-lui quelques plages horaire d'entraînement supplémentaires).
Epanoui dans ses fonctions, Maël Nivinou l'est aussi dans sa vie personnelle : ses premières supportrices, ce sont sa compagne Elodie ("J'ai une femme formidable") et ses deux petites filles Nolwenn (5 ans) et Typhaine (5 mois). Le voilà, le vrai secret de la réussite de ce sacré traileur...
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec