SOUVENIRS & NOSTALGIE : Christophe Guillou. The Brain
13 septembre 2013. " Le cerveau de Melgven", à 26 ans, le Rospordinois, Christophe Guillou est une comète d'idées, à l'AS Melgven (DRH). Arrivé sur la pointe des pieds, comme éducateur d'une catégorie débutants, il est aujourd'hui, trois ans plus tard, le directeur de l'école de football et le capitaine de l'équipe première en DRH. Boulimique de savoir, chercheur inlassable de contenus, encyclopédie de football: il présente un profil peu commun pour son âge et s'appuie sur des références comme Johan Cruyff, Claude Suaudeau, Reynald Denoueix ou Christian Gourcuff, pour se constituer une bibliothèque intérieure, qui lui garantira, à moyen terme, une déclinaison sur le terrain.
A 26 ans, Christophe Guillou s'investit à fond dans le projet sportif et éducatif global du club de l'AS Melgven, présidée par Mickaël Rodriguès.
" Fais ce que tu veux de ta vie mais fais-en quelque chose de bien", avait conseillé, José Manuel Mourinho, à son fils José, quand celui-ci quitta à 23 ans, sur un coup de tête, son école de commerce, dès le premier jour, pour se consacrer totalement à la passion de sa vie, le football. Comme l'écrivain Américain, Henry Miller, qui avait tout plaqué à 33 ans, son travail de cadre dans une boîte postale, à New-York, pour devenir écrivain. Tel Pascal Parmentier, qui à 28 ans, avait décliné l'idée d'être fonctionnaire toute sa vie pour monter son entreprise d'Imprimerie Primset, basée à Saint-Evarzec. " Ceux qui réussissent ne sont pas les plus talentueux, mais les plus passionné(e)s et exigeant(e)s envers eux-mêmes". L'être humain, au cours d'une vie, n'exploite même pas 10% de son potentiel. Le talent est juste une conséquence de la passion. C'est même con une passion quand on y réfléchit bien car elle nous entraîne forcément dans l'excès jusqu'à provoquer des cassures "Freundiennes" dans notre existence entre notre moi intérieur et un surmoi extérieur, qui régule notre vie sociale, familiale et amoureuse.
Le prix de la réussite, pour Christophe Guillou, est un planning chargé en permanence. 35 heures au collège des Sables Blancs de Concarneau comme assistant d'éducation et 27 heures supplémentaires par semaine, consacrées au club de l'AS Melgven. " Le football est une obsession. Avec l'éducation de mes parents, ça m'a construit en tant que personne. Si je suis épanoui dans la vie, je le dois en bonne partie au football. J'ai intégré très vite que le foot faisait partie intégrante de ma vie. Je réussis à couper un jour dans la semaine, autrement ma copine me le pardonnerait pas (rires)".
CG: Christophe Guillou, Christian Gourcuff, même initiales, même passion
Rencontré au club-house de Melgven, il ne m'a pas fallu longtemps pour juger de la pertinence de ce sujet, décidé par intuition, sur un simple compte twitter personnel, qui mettait en avant Johan Cruyff et Coco Saudeau. Tellement surprenant pour un jeune de 26 ans, qu'il y'avait derrière ses références, un enrichissement humain personnel et un dialogue sans cesse renforcé par des convictions. Et sur la table, l'angle d'attaque, la bible, une biographie de Christian Gourcuff, écrite par Loïc Bervas. Un fil d'Ariane, qui me sert de dénominateur commun pour ce portrait de Christophe Guillou. Même intitiales, CG, même passion dévorante du football.
Christian Gourcuff est aujourd'hui reconnu car il a pris des risques dans sa vie. Les êtres exceptionnels se mettent toujours en danger, à un moment de leur vie, ou mieux prennent un chemin où les autres n'en voient pas de prime abord d'intérêt financier ou professionnel. Parce qu'un feu sacré coule dans leurs veines intérieures.
L'aorte corporelle est oxygénée en permanence d'une foi dans ses convictions que personne ne pourra renier. Comment expliquer que Christian Gourcuff, joueur, quitta le Stade Rennais en professionnel en 1974 pour s'engager dans le club amateur de Berné, une commune du Morbihan de 1.400 habitants, montée en D3? " Les deux plus belles années de ma vie, avec un éducateur exceptionnel, Jean Prouff ", résuma-il dans le livre. Sa trajectoire actuelle est en partie lié à son choix de post-adolescence à Berné car il a suivi sa voie intérieure qu'il lui disait de ne jamais renier ses convictions, ne jamais faire de compromis vis-à-vis de personne et surtout pas de lui-même car il serait vécu comme un drame intérieur ajoutée à une déprime assurée.
" On sent les jeunes moins passionnés par le football "
" Quand je lis la biographie de Christian Gourcuff, je me retrouve dans son enfance. Le ballon, toujours le ballon. Le jeu pour le jeu. Les jonglages dans le jardin familial. L'épanouissement personnel n'est possible qu'à travers le collectif. Même avec les enjeux financiers, il n'a jamais renié ses principes de départ. Il les a juste adapté. Reynald Denoueix m'a marqué aussi en citant que la victoire n'est pas l'objectif, mais la conséquence. Je suis admiratif du jeu du FC Barcelone, d'Arsenal, du FC Nantes des années 90 et du FC Lorient. Et ma conviction personnelle s'est renforcée que c'était possible à son niveau de réussir en mettre en phase ses conceptions de football. J'avais été impressionné par la demi-finale des U15 de Concarneau face à Saint-Brieuc (5-1). Ca ressemblait au jeu de Barcelone. Guillaume Mulak, avec tous les éducateurs Concarnois, a vraiment fait un travail formidable avec ses jeunes".
Adorateur de l'Italien Andrea Pirlo et du Catalan, Andrès Iniesta (" des joueurs qui se projettent dans le jeu avant de recevoir la balle"), il n'est pas encore convaincu de son futur métier, mais il est rassuré d'avoir trouvé une vraie ligne directrice avec les jeunes. " J'ai trouvé ma voie à l'adolescence. Je veux travailler avec les jeunes, dans le football ou le métier de conseiller principal d'éducation dans un collège ou lycée. Je pense que notre génération de 1986/1987 est une des dernières à assimiler un lien collectif à l'individualisme. La génération de 1989/1990 est plus centrée sur elle-même. Ca se lasse plus vite des exercices. Les situations en un contre un les fatigue vite. Il faut sans arrêt les mettre en situation de jeu. Ils ont plus de propositions. On les sent moins passionnés par le football. Quand nous avons grandi, dès la sortie de l'école, nous allions jouer avec les jeunes de notre quartier au football. Maintenant, ils sont plus enfermés, en refaisant les matchs sur leur console ou sur l'ordinateur. Leur motricité est moins coordonnée qu'avant du même coup", avant de reprendre.
" Il y'a moins de respect envers les anciens au club. A Melgven, nous avons fixé une ligne directrice pour tous les jeunes, des U7 aux U17, découpés en trois pôles:santé, citoyenneté et éducation, avec des intervenants dans chaque domaines: nutritionniste, arbitre, protection de l'environnement, croix rouge pour les premiers secours, des stages football pendant les vacances. Nous voulons améliorer la personne avant le footballeur, même si les deux sont liés".
Conceptualiser des idées, être un réceptacle pour ensuite les vulgariser à un large public, est un passage obligé de tout grand entraîneur. Peu importe le niveau de jeu, pourvu qu'on en ait l'ivresse, finalement. Il faut juste se créer un référentiel commun pour en absorber la substantifique moelle. " Le football, c'est une maîtrise du ballon. Si une équipe le possède, ça veut dire qu'elle ne prendra pas de buts. Ca passe par une récupération collective, exercée par une pression haute sur le terrain. Je stocke pour l'instant les informations. Je ne sens pas encore capable de retranscrire le message. Quelqu'un comme Gilles Kermarec, qui nous a tant marqués à la faculté de Brest, en Staps, car il avait cette capacité de théoriser par un langage simple des éléments d'une complexité extrême. Arriver à vulgariser ses connaissances est le stade ultime de la pensée".
27 ans, l'âge de la décision?
Au fur et à mesure de sa digestion footballistique, Christophe Guillou, 26 ans, sera très prochainement à même de transmettre un savoir qui met le jeu au-dessus de la pyramide des priorités. En sortant de l'entretien, on sent qu'il est proche de se lancer dans une carrière d'entraîneur senior. " Paradoxalement, je suis arrivé à un âge où je trouve plus de plaisir à entraîner qu'à jouer". Christian Gourcuff avait commencé à être joueur-entraîneur à 27 ans, et non entraîneur-joueur, au FC Lorient en DH du président Georges Guénoum (comme il aime à le préciser). " Je ferais de toi le plus jeune entraîneur en D2", avait alors indiqué à une presse ébahie, le président Georgues Guénoum à son nouveau coach, Christian Gourcuff. Trois ans après, le FC Lorient était monté trois fois consécutivement jusqu'à la D2 en 1985/1986.
Christophe Guillou aura 27 ans, l'an prochain. On lui souhaite le même destin que Christian Gourcuff car après trois heures de discussion, il en a clairement le potentiel pour rendre des dizaines de joueurs et des milliers de spectateurs heureux à travers sa conception du football. " Nous sommes toute une génération à avoir rêvé d'être footballeur professionnel pendant l'enfance. Avec Mathieu Le Brun (un autre dingue de football), Romain Bureller, Kevin Sévignon et pleins d'amis en staps, nous avons passé des soirées enitères à parler football et rêver sur notre conception plaisir du football. J'adorerais rencontrer quelqu'un comme Mikaël Caoudal, à l'AS Plobannalec-Lesconil car on sent que c'est quelqu'un qui travaille plus que les autres". Le football en passion, en fil d'Ariane d'une trajectoire de vie, Christophe Guillou, 26 ans, garde toujours enfermé ce tatouage intérieur, qui ne demandera qu'à éclore à la lumière très bientôt.
Christophe Marchand