Il y a quelque chose d'incongru à voir courir Raymond Caradec associé à jamais dans l'esprit de chacun aux plus belles heures du handball châteaulinois. Raymond Caradec résumé en une action handballistique, c'est le but importantissime inscrit à 5 secondes de la fin du match dans un angle improbable le 14 mai 2011 contre Les Abers (27-27), un but qui allait offrir à l'AL Châteaulin, la montée en N3 et faire chavirer de bonheur l'explosive salle Hervé Mao... 12 ans déjà mais c'est comme si le temps s'était arrêté sur ce but. Il faut dire que - pour entretenir l'illusion sans doute - Raymond Caradec n'a pas pris une ride. Pas pris un kilo non plus ! Et à 52 ans (si j'ai tout bien calculé), il entre régulièrement dans le top 10 des classements des trails finistériens. C'est sur la ligne d'arrivée de la Cast Hell Trail que je suis allé l'attendre. Là où s'activaient Carole Kervennic et une équipe de l'Élan du Porzay soucieuse de rendre hommage à l'un des leurs disparu récemment : Jean-Marc Nicolas. Pas le temps de taper la discute avec Carole et son fiston... Voilà que se pointait Raymond, en 8e position du trail court (12 kilomètres). Et frais comme un gardon.
Légende: Raymond Caradec, du handball au trail, le sport, ses valeurs et l'envie de se maintenir en forme, tout en cultivant du plaisir. Crédit photos: DR et Thomas Alemany
Oui, frais comme un gardon Raymond mais pas forcément satisfait de sa (très honorable) performance... "Je n'arrive pas à me mettre dans le rouge. Je suis en mode gestion. Par peur d'exploser sans doute." Voilà comment l'ex handballeur a analysé sa perf. Avant d'ajouter. "Cela fait deux ans que je cours mais je me demande bien quelle marge de progression j'ai encore."
Son analyse ne m'a qu'à moitié surpris. Raymond Caradec, c'est quelqu'un qui se connaît bien, quelqu'un qui s'interroge, qui aime se confronter à ses limites, qui a envie de nouveaux défis... "Pourquoi pas l'ultra-trail, la Diagonale des Fous", ai-je lancé ? "Peut-être pas. Non, il faut rester raisonnable et puis prendre l'avion pour aller courir c'est un peu contraire à l'éthique du trail je trouve. Mais pourquoi pas les Pyrénées et le GRP. J'ai envie de me tester sur des distances supérieures. Ma seule expérience, c'est le 50 kilomètres du Cap Sizun. Comme les marathoniens, j'ai été confronté au mur des 30 kilomètres. Une sacrée expérience."
Pas question pour autant de trop tirer sur la machine. Raymond Caradec ne brûlera pas les étapes. Son passé de handballeur lui a laissé quelques cicatrices (douleurs tendineuses et dorsales) qu'il n'a pas envie de rallumer. Il y a de l'humilité, de la sérénité et de la douceur dans le discours du facteur quimpérois. Dans le volume et la méthode d'entraînement également. "Pour ménager les articulations, je fais mon échauffement pendant ma tournée sur mon vélo électrique. Sinon l'entraînement, c'est 3/4 fois par semaine avec un peu de fractionné histoire de faire du cardio." A 52 ans, Raymond ne part pas non plus de rien. Il a de toute évidence cultivé une endurance qui a facilité la transition avec la course à pied. Ses motivations profondes? "L'idée, c'est d'abord de se maintenir en forme évidemment. Mais je trouve aussi un certain plaisir dans la pratique d' un sport individuel où il y a une dimension collective. Et le milieu est plutôt sympathique."
Des propos confirmés par Gwen Merer autre figure connue du hand châteaulinois lui aussi engagé sur le 12 kilomètres qui vient de nous rejoindre. On évoque alors les handballeurs reconvertis dans la course à pied : Laurent Bernard ou Manu Nédélec par exemple. Mais aussi une certaine Claire Caradec. Le hand revient encore et toujours sur le tapis. Autant dire que Raymond n'a pas coupé avec son sport originel. Comment pouvait-il en être autrement, Timéo (17 ans) et Swann (10 ans) les enfants sont tombés dans la marmite et le papa qui s'occupe des moins de 18 du club châteaulinois suit de très prés leur parcours. Ils ont bien de la chance.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec