Eric Raphalen, la récompense au bout des 90 minutes de carrière
Passé le cap des 35 ans, le même questionnement intérieur, stop ou encore? Chaque intersaison marque son immanquable rappel, avec un double être, à la Janus, en soi: un qui conseille de continuer, et un autre d'arrêter. Pourquoi y retourner? Pourquoi sacrifier 10 à 15 heures de sa semaine sur sa vie de famille, deux entraînements par semaine, un match, le dimanche? Il y'a tout, à vrai dire, pour mettre le clap de fin mais y aller, c'est aussi se donner le champ ouvert pour une nouvelle aventure collective, qui marquera une vie à jamais. A 38 ans, Eric Raphalen, le gardien de la Plozévétienne, qui tient les cages depuis 15 ans, et une arrivée en cours de saison 2006/2007, des CS Penmarc'h, l'a fortement ressenti, en plein dans la dernière saison tronquée. " En janvier, je me fais une grosse entorse. Dans ma tête, c'est clair, à ce moment, j'arrête. Ca fait cinq ans que je dis, j'arrête. A la Ploz', nous avons toujours été lié avec Fréderic Le Scaon et Nicolas Magnaux. On est arrivé tous les trois au même moment, dans le club, et on s'est toujours dit qu'on arrêterait au même moment". Huit mois après ses doutes, Eric Raphalen s'apprête à vivre un 5ème tour de la coupe de France, inédit pour la Ploz', à l'extérieur face à VGA Bohars (R2). " Nico m'a tanné pour faire encore une. J'avais pourtant dit à la maison que ca serait la dernière. Frédo n'est pas revenu sur sa décision, il a stoppé mais est venu au match contre Scaër. Kévin Méar et Pascal Piscitelli sont revenus au club, ça m'a aidé à refaire une dernière. Le football m'a toujours accompagné, je crains l'arrêt, j'ai encore beaucoup de mal à le dire ouvertement même si je sais que cette fois, c'est la dernière. Depuis mes 30 ans, je pense à ce moment, cette petite mort sportive. Peut-être que j'y ai trop pensé d'ailleurs, passé le cap de la trentaine. Ce goût de la victoire, de la joie partagée avec les copains, ce moment de joie, c'est unique. Il n'y a pas d'émotions supérieures dans la vie, hormis dans un cadre personnel. Le match du dimanche commande ma semaine. Cette semaine, je ne la vis pas bien, je suis de mauvaise humeur, car je ressens toujours le flux de dimanche et nos nombreuses occasions ratées contre Plonéour FC (défaite 2-1). A l'inverse, la semaine précédente, j'avais la banane tous les jours, car nous avions réalisé un super match contre Scaër, en coupe de France"
Légende: A 38 ans, avec un frère, Yann, aussi gardien de but, Eric Raphalen s'apprête à vivre, ce dimanche, un grand moment de sa carrière amateure, comme tous ses partenaires, à Bohars. Crédit photo: Pascal Priol |
Incompréhensible de l'extérieur, tellement parlant à un autre soumis à ces mêmes vibrations intérieures, cette messe du dimanche a des répercussions, sur toute notre semaine. Passé un week-end de coupe, et une qualification, tout semble léger, heureux et voluptueux. Une défaite, et un non-match, et c'est l'introspection, le refuge dans sa carapace, un mélange d'être là sans être là, difficile à comprendre pour les proches, noyé dans les pensées encore vivaces du dernier match.
Inamovible depuis 15 ans, dans les buts de la Plozévétienne, de l'ascension fulgurente jusqu'en DSR, des montées au couteau face au Gourin FC et FOLCLO Lorient en DSR, d'un maintien arraché à la dernière journée, à Lorient, en PH, Eric Raphalen a tout connu, été de la génération glorieuse de ce club désormais centenaire.
" Nous avons été la première génération au club, à avoir les maillots officiels de la coupe de France. Avec Ilan Bernard et Nicolas Magnaux, nous sommes les seuls à avoir tous les maillots de la Ploz', au 4ème tour de la coupe de France. J'ai toujours pensé que les plus belles histoires sont celles qui durent. Je ne voyais pas faire deux ou trois ans ailleurs quand on sort de plus de 10 ans dans un club. On a eu des hauts, des bas, avec cette génération. Le maintien en PH, nous donne après l'ouverture quatre ans après pour la DHR, avec l'arrivée des frères Strullu, Tanguy et Gauthier de la Stella Maris. Ce 5ème tour, à Bohars, nous laisse une chance. Dans notre cas, pour se projeter vers un 6ème tour, il faut nécessairement jouer une D1/R3 ou R2 maximum. R1, le niveau est trop élevé à mon sens. On a le beau rôle dans ce 5ème tour, toute la pression est sur Bohars, au coup d'envoi. En tirant la Ploz', ils se disent que c'est l'année ou jamais pour eux d'aller au 6ème tour. Ce n'est pas le tirage idéal, mais ce n'est pas non plus le pire tirage. Si on veut aller au 6ème tour, nous n'avons pas beaucoup d'autres choix que de jouer une R3/R2, dans notre cas. Bohars et Plozévet, sont dans le même cas, l'un comme l'autre, nous n'avons pas l'expérience de parcours de coupe de France sur les dernières années. L'objectif va être de tenir d'entrée de match, ne pas prendre de but et mettre le doute dans leurs têtes. Plus que le niveau d'écart, c'est la surface de jeu, qui leur donne un avantage, car nous n'avons pas l'habitude de jouer sur synthétique, mais il n'y a pas de blocage à avoir. On a su par le passé, bien faire, en pareilles circonstances".
Spectateur lors de la victoire spectaculaire des CS Penmarc'h (DSR) sur le Stade Quimpérois (National), au milieu de années 90 ( 2-1, but de Christophe Le Goff, à la 89ème minute), gardien remplaçant face à l'US Concarneau, au milieu des années 2000, devant 2.000 spectateurs, avec les CS Penmarc'h, Eric Raphalen replonge, à 38 ans, dans ce palpitant unique coupe de France.
" Nous avions ressenti énormément de frustrations de nos précédents 4ème tour. A part, l'an dernier, contre Milizac (0-3, N3), on était toujours passé à travers, face à Plouzané (0-8), l'US Trégunc (1-3), Plouvien ou Ploeren. A chaque fois, nous avions un sentiment de gâchis, d'accessible même à Plouvien ou Ploeren. Contre Scaër, on s'est donné la possibilité de passer au 5ème tour. Nous nous créons des occasions, ma frustration vient de notre faible pourcentage de conversion en but. Bohars ou Plozévet, on ne sait pas gérer ce genre de contexte exceptionnel d'un 5ème tour. Ca compte énormément. Je pense à des joueurs comme Dylan L'Haridon ( D3, FC Goyen), Damien Trolez ( FC Bigouden, D2) ou Florent Baraou (ES Mahalon Confort, D2), on les embarque, pour la première fois, comme nous, dans un 5ème tour de la coupe de France. C'est un moment exceptionnel dans une carrière. Ma peur a été de faire la saison de trop, mais j'ai encore envie de les accompagner. J'ai plus d'amis à Plozévet qu'à Penmarc'h, où je vis et suis originaire. Je suis arrivé dans ce club, en 2006, je ne connaissais personne. Mon premier match, je l'ai fait à Tréogat, avec Nicolas Magnaux, 16 ans et demi, qui m'échauffait en me demandant si ça allait la puissance des tirs. On en rigole encore, ça a filé toutes ses années. Ce sont des amis très proches, notre qualité vient de notre force d'équipe. Je crois que d'aimer les joueurs avec qui tu joues, te donne une force supérieure en match. Tu ne te bats pas de la même façon pour des coéquipiers que tu connais et apprécies. On protège quelqu'un qui est dans le dur dans un dimanche, et fait briller celui qui est bien. Ca fait partie d'un dévouement d'équipe, et nous l'avons en nous, à la Ploz", conclut Eric Raphalen.
Affrêtant un car pour ce déplacement, à Bohars, la Plozévétienne (R3), cendrillon du Sud-Finistère, rêve en grand d'un exploit dans le Nord-Finistère, pour poursuivre leur route, vers les 28 derniers clubs bretons, encore en course, après ces 90 minutes de jeu. Yohan Bocher et ses joueurs iront chercher le maximum de leurs ressources pour repousser de deux crans les frontières historiques du club, en coupe de France. Sur l'esprit, ils seront là. C'est déjà 80%, voir plus, de leur performance, ce dimanche, en terre nordiste.
Toutes les photos créditées Pascal Priol ( photo de une comprise)