SOUVENIRS & NOSTALGIE. A 69 ans, P. Mariller a joué une heure en senior
25 novembre 2013. En 1960/1961, Pierre Mariller signait sa première licence senior de football, au club de Cuisery en Saône et Loire. Beaucoup de joueurs du FC Pont l'Abbé C et du TGV B, présents ce dimanche, n'avaient même pas leurs parents, qui fussent nés à cette époque. Pour les besoins de la cause, il a remis le short et les crampons pour aider le club du FC Pont l'Abbé. Au cas où. Et le sifflement des adducteurs, à la 25', du Pont l'Abbiste, Jérôme Péron, a servi de tremplin d'accès au terrain, à Pierre Mariller au poste de milieu latéral. Une heure de jeu, à 69 ans, l'histoire est formidable pour un homme qui l'est tout autant.
A 69 ans, Pierre Mariller a joué une heure en senior pour venir en aide au club du FC Pont l'Abbé C en manque d'effectif, sur ce match face au TGV B.
" Un esprit sain dans un corps sain", arguait dans une satire le poète Romain de l'antiquité, Juvénal. L'histoire change, pas les hommes. Cette vérité était, est et sera vraie encore bien longtemps. La passion et une hygiène de vie font souvent une des clés de la longévité et du repoussement de ces limites. Encore faut-il être génétiquement bien constitué à la naissance? Pierre Mariller a le football en passion, depuis l'adolescence. " Je suis issu d'une famille d'agriculteurs de Saône et Loire. Mes parents n'avaient pas la télévision. Je ne connaissais pas le football, avant le lycée. Quand j'ai été au pensionnat, j'ai découvert tous les sports collectifs. J'étais doué. Je comprenais vite le mécanisme du jeu, en plus de la vitesse et l'endurance. J'ai joué en championnat de France grand amateur (CFGA, actuellement national,3ème division) dans les années 1960, au club de Louhans. Je n'ai jamais été blessé hormis une fracture de la malléole, ni eu de crampes de fatigue sur un terrain".
En retraite, depuis plus de 10 ans, il met le cap au Pays Bigouden pour le climat et la beauté du paysage. Le football est amené logiquement dans ses bagages. La saison 2001/2002 lui vaut la découverte en express du football loisir avec le club de Pont l'Abbé. Direction Pouldergat, pour une première apparemment en spectateur. " J'étais venu pour voir. Mais comme il manquait du monde à Pont l'Abbé, ils m'ont pris pour jouer avec eux. J'étais encore en cours de déménagement. On m'a prêté le short, et les adversaires ont trouvé une paire de chaussure en 42. Le problème, c'est que je faisais du 39 (rires)".
Un poste inhabituel de milieu gauche
L'histoire est un éternel recommencement. 12 ans après, cette situation s'est reproduite au club du FC Pont l'Abbé. Un coup de fil impromptu de Stéphane Coïc, ce samedi soir, pour lui demander son aide pour faire arbitre de touche, le dimanche à 13 heures, face au TGV (B). Et en aparté de la conversation, il lui glisse au passage de prendre son sac et ses chaussures. Sur la feuille de match, 13ème homme, à priori, bien au chaud sur le banc de touche. Pont l'Abbé, dans une configuration inhabituelle, sort indemne de son premier quart d'heure, face au TGV. Soudainement, Jérôme Peron donne des signes de première fatigue sur son côté. Le drapeau blanc de la douleur est agité, à la 25ème minute! Les adducteurs n'ont pas tenu.
Philippe Cossec ou Pierre Mariller? Yann Jégou, le coach de la C, absent, les joueurs sont dans l'auto-gestion. Philippe Cossec, se sentant plus attaquant dans l'âme, décide de garder ses forces pour porter l'estocade finale. Pierre Mariller rentre milieu de terrain gauche, à un poste inhabituel. " Depuis ma 2ème saison, à Mâcon en 1969/1970, j'ai toujours joué libéro, au coeur de la défense. Notre gardien, Stéphane Coïc a eu raison de ne pas bousculer son axe central. C'était un test pour moi car je joue d'habitude le vendredi soir, en football loisirs avec Pont l'Abbé. Mais c'est dur car j'ai un début de cataracte. Je ne vois plus très bien les ballons hauts, la nuit. Là, je pourrais dire à mon médecin, qui est un bon copain, que tout est parfait pour que je joue en journée. J'ai tenu. Physiquement, il n'y a pas de problème. Je ne ressens même pas de courbature, hormis un coup reçu dans les côtes".
La mi-temps passée, il joue encore trente minutes en seconde mi-temps, avant de céder sa place au joker décisif, Philippe Cossec, qui lui aussi n'avait plus joué depuis quelques d'années. Enfin, le repos du guerrier? Non, nouveau basculement de situation. Le rentrant se voit contraint de quitter le terrain, sur sa seconde accélération du match pour claquage. Pierre Mariller, coeur de lion, revient sur le terrain pour tenir jusqu'au bout ce très bon résultat pour Pont l'Abbé (0-0). " Je n'ai rien fait d'exceptionnel. J'ai juste voulu servir mon club et les aider. Je leur avais proposé de les dépanner si jamais il avait des soucis d'effectifs dans la saison. Quand je propose, je ne reviens jamais sur ma parole. Le club de Pont l'Abbé est vraiment très bien humainement. C'était naturel pour moi. Je marquais un jeune de 20 à 25 ans, mais je ne sais plus comment donner un âge. Le capitaine du TGV m'a félicité. Il m'a dit bravo, car il n'y avait quelqu'un sur la touche qu'il lui avait dit que j'avais 65 ans. Je lui ai répondu que ça faisait 4 ans qu'il ne m'avait pas vu car j'ai bien 69 ans".
Un geste extraordinaire pour un club
Pourtant, son regard est amer sur l'évolution du football amateur. Encore footballeur senior jusqu'à 61 ans, à Loctudy, il observe avec lucidité son époque. " C'est plus vicieux, aujourd'hui. Il y'a de plus en plus d'agressivité mal placée. Les tirages de maillot, les contestations sur l'arbitre, ça n'existait pas dans les années 70. C'était chaud, en dehors du terrain. On pouvait en venir aux mains mais sur le terrain, nous restions dans le jeu. Le football a évolué comme la société dans le mauvais sens. Encore 10 ans auparavant, il n'y aurait jamais eu de cambriolages, dans un stade. La fracture est du début des années 2000. Ca me fait mal quand je vois un jeune prendre son sandwich avec ses écouteurs, et partir chez lui, après le match. C'est à ce moment qu'on peut le plus échanger. Je parle en général et ne veux cibler personne", précise Pierre Mariller.
Par cette performance, Pierre Mariller aura gagné l'estime de tout un club, par son geste extraordinaire. Le football amateur se trouve grandi avec une telle attitude qui démontre que la solidarité n'est pas un vain mot, rempli de désuétude. Le sport se veut être le plus grand terrain de partage, celui qui efface toutes les différences, pour communier autour d'une passion au sein d'une association. Ce geste spontané est à classer parmi les plus grands moments de sport de notre année 2013, dans le Sud-Finistère.
Christophe Marchand