0,12% de la part du budget de l'Etat, le sport est-il vraiment un enjeu sociétal partagé par tous? Vecteur de communication, assurément pour les personnes de pouvoir, il n'en reste pas moins que cette passion française avec 17 millions de licenciés, 20% de la population, reste le parent pauvre des priorités des politiques. Réunis à Quimper, à la maison des sports, ce samedi matin, les élus, dirigeants de clubs et experts du sport ont établi un état des lieux peu rassurant avec des nuages assombrissant l'horizon. Une volonté de fixer des objectifs clairs pour tracer une ligne conductrice dans l'intérêt de tous les publics. Après deux heures de débat riche, quelques pistes de réflexion, idées grappillées et chiffres importants qui rappelle la place du sport et son échelle de valeurs sociales, économiques et culturelles.

Jean-Marc Tanguy et Kharim Ghachem, en poste au conseil départemental et régional

Yvon Cléguer, le président du CDOS 29

Dominique Charrier, économiste spécialisé des politiques locales de sport.



Benjamin Coignet, directeur technique de l'agence pour l'éducation par le sport.
" Le sport est-elle une idée neuve en France?". A l'heure de l'Euro 2016 de football, la politique du sport est scrutée avec attention par les dirigeants, bénévoles et licenciés. Une locomotive du monde associatif qui reste souvent en gare des décisions politiques. Avec un constat fragile, après 40 ans de hausse régulière, le sport, fort de ses 10 à 12 millions de pratiquants réguliers en France, a observé pour la première fois sa part décroître. " C'est une tendance nouvelle et lourde. La croissance du sport a du beaucoup aux équipements sportifs financés par les collectivités dans les années 1960-1975. Des liens de proximité avec des gymnases, des piscines, des salles omnisports, qui ont maillé le sport sur un tissu local. Après 1968, l'arrivée des femmes dans la pratique de licenciés club. Aujourd'hui, elles sont en train de sortir de la pratique. 80% des hommes en France ont une retraite complète, 20% des femmes seulement. Le sport devient un luxe que bien des personnes n'arrivent plus à financer, essentiellement des femmes dans la vie active ou en retraite ou des jeunes", souligne Dominique Charrier, économiste spécialisé des politiques locales de sport.
Dans un contexte de diminution des aides publiques, les collectivités ont-elles encore les moyens du tout-financement? Non, semble affirmer Jean-Marc Tanguy, vice-président du Pays de Cornouaille Délégué au sport au conseil départemental, qui doit faire des arbitrages dans un budget annuel en baisse de 2,4 millions à 2 millions d'euros en cette année. " Je pense que le sport ne peut pas être une affaire de saupoudrage sans ligne directrice. Il est important de se mettre d'accord entre acteur sur le Qui fait quoi? Le rôle du conseil départemental est d'encourager, soutenir les missions de cohésion sociale envers un public prioritaire, comme les personnes à mobilité réduite ou les personnes handicapées. Nous devons servir de passerelles entre ces deux mondes qui ne se connaissent pas. La Loi NOTRE votée en assemblée nationale, le 7 août 2015, expose ces missions de solidarité départementale".
Le sport est pluriel. La médiatisation et l'intérêt populaire se portent sur une dizaine de pratiques qui rafflent presque tous les crédits et partenariat privés. " Le danger pour les clubs est le niveau intermédiaire qui coûte très cher aux collectivités, comme la N3M, la N2M ou N1M au basket-ball, le niveau national ou CFA en football, qui n'intéressent pas les télévisions. Les partenariats privés se concentrent sur un retour de visibilité. Ca renvoie à un courage politique pour dire non et refuser cette course en avant", remarque Dominique Charrier.
La région Bretagne est également un acteur du financement du sport. Porté par Kharim Ghachem, conseiller régional, il a tenu à rappeler quelques chiffres " Le sport en Bretagne, c'est 29.000 contrats de travail, 2 millions de pratiquants, 900.000 licenciés dans les clubs, soit l'ensemble de la population du Finistère. La région intervient pour 8,1 millions d'euros pour structurer l'ensemble du territoire breton. Le sport reste une compétence entre plusieurs acteurs. C'est une chance ou un risque de s'engager ou se désengager de tels ou tels domaines".
On revendique pour les meilleurs en senior le droit d'aller plus haut sportivement
A une haute échelle, le sport s'avère vorace en moyen pour la pérennité. " Plus fort, plus vite, plus haut", la devise des jeux olympiques se heurte à une réalité concrète du terrain. Comme l'exprime avec coeur Didier Nicot, le président du Quimper Volley 29. " Dans le haut-niveau, en sport, l'argent est le nerf de la guerre. Je suis inquiet pour ce que je fais à chaque journée. Il faut être fou pour s'investir dans du haut-niveau. Nous sommes partis avec une bande de copains en 2000. 16 ans après, on a atteint la première division française tout en devant gérer 17 salariés à l'année. Le sport est une école de la vie, qui mérite d'être soutenu. Plus ça va, plus le sport est considéré comme la 5ème roue du carrosse en France". Un ressenti partagé par le président du Landerneau Basket, Erwan Silliau. " Nous avons beaucoup de similitudes avec le Quimper Volley 29. Nous sommes sur une zone de ruralité Pleyber-Christ - Landerneau avec 600 licenciés. On revendique pour les meilleurs en senior le droit d'aller plus haut sportivement".
Agir et être ensemble
Dans un milieu passionné, les débats se font rage avec les ressentiments de chacun, à une échelle différente. Chacun ses problématiques pour le bien commun de sa structure, chacun ses doutes légitimes, chacun ses attentes, les collectivités sont pris dans un étau: une obligation d'arbitrage et une fragilité du temps nécessaire pour analyser et décider, en inadéquation avec la demande de réponse immédiate des acteurs du sport. Cette conférence, comme les deux précédentes sur le sport et la jeunesse, le sport et la cohésion sociale, organisée par les pouvoirs politiques avait le mérite d'ouvrir un débat, de faire remonter les idées. " Les associations doivent innover et ne pas toujours attendre de réponses de la part des collectivités. Trouver un avantage concurrentiel pour se démarquer d'une masse de propositions. Aujourd'hui, les utilisateurs ont une multitude de choix. Qu'est qui va faire que mon association sportive est unique? Comment je peux me réinventer en permanence? Comment avoir des horaires flexibles pour cette génération d'actif? Le financement du sport n'intéresse pas vraiment les entreprises. Sur 80 entreprises sondées, certaines insistent sur la volonté de partager une aventure en commun, de donner un sens à une action, pas seulement un financement direct. Une entreprise ne fonctionne pas comme un club", insiste Benjamin Coignet, directeur technique de l'agence pour l'éducation par le sport.
A l'issue de ces trois conférences rapprochées, Jean-Marc Tanguy fait une synthèse des réflexions. " Il y'a eu du monde et une participation des acteurs du sport locaux. On lancera une trentaines de propositions concrètes ainsi qu'une campagne de recrutement pour être un bénévole éducatif dans l'accueil du public. Cette idée est nouvelle et est encouragée notamment dans le district du football. Ces échanges nous ont permis de mesurer l'importance du sport, de prendre conscience de ces forces et ces limites. Nous devons agir et être ensemble pour mieux harmoniser nos moyens et compétences"
Christophe Marchand