Novice au poste de coach principal, Laurent Foirest, 150 sélections en équipe de France n'est certainement pas dépourvu d'expérience en joueur de très haut niveau. Sa principale quête est maintenant de transformer cet acquis et vécu qu'aucun des joueurs du groupe de l'Ujap Quimper (N1M) ne possède. Après trois matchs, deux victoires et une défaite, les Quimpérois, moribond et en panne de solutions, apparaissent métamorphosés, depuis la reprise du 9 janvier. La victoire face à Rueil Malmaison (83-68) a apporté une confirmation d'un potentiel et la certitude que l'Ujap peut battre toutes les équipes de ce championnat N1M en 2015/2016. Si l'inverse est vrai aussi, le savoir et le faire-savoir seront la piste de décollage d'un équipage, trop longtemps posté au sol, cette saison.

Un grand joueur fait-il un grand entraîneur? Celui qui a en tant que joueur majeur intégré la substantifique moëlle du jeu peut-il le retranscrire au mieux quand le costume d'entraîneur est enfilé. Laurent Tillie, 406 sélections en équipe de France de volley-ball, définissait ainsi sa fonction de sélectionneur avec l'étiquette d'avoir été un joueur international. " Etre entraîneur signifie laisser son égo de joueur à haut niveau dans le vestiaire. Si on continue à se voir dans la peau d'un joueur de haut niveau pour corriger des postures, alors ça ne fonctionnera pas avec votre groupe. Notre atout vient dans l'anticipation des éléments de jeu et la compréhension de l'attitude psychologique qu'un joueur ressent en situation de match". Avoir été un grand joueur glisse comme une légitimité et une écoute supérieure avec les joueurs de votre groupe. Ainsi Cristiano Ronaldo a expliqué le phénomène Zinédine Zidane en coach principal du Real Madrid par rapport au précédent Rafaël Benitez. " Je ne sais pourquoi mais quand Zinédine Zidane parle, les joueurs l'écoutent".
Le haut-niveau apporte une légitimité nécessaire car les joueurs entraînés savent que leur coach a atteint joueur un niveau où 99% d'entre eux n'atteindront jamais. Cette sphère du très haut-niveau réservée à une caste de joueurs excellant partout, n'offre que très peu de latitude d'accès. Elle est le fruit d'un talent hors-norme et d'une sensibilité inné pour un sport. Laurent Foirest est maintenant entré dans la peau d'un entraîneur qui doit se définir caméléon pour faire passer un message positif. " La victoire naît d'une croyance. Dans le vestiaire avant Rueil, j'ai écrit deux mots, enthousiasme et y croire. Le basket est un jeu. J'ai changé des bases, comme une simplification des systèmes. Je n'ai pas la science infuse. Je reste humble et il ne faut surtout pas s'enflammer, après cette victoire. Le mérite en revient aux joueurs essentiellement. Je peux voir des choses mais la juste question est de savoir si des joueurs de N1M sont capables de les assimiler. Les entraîneurs qui arrivent avec une grosse carrière de joueur peuvent être déroutés par des choses qui croyaient faciles à leurs yeux et ils s'aperçoivent que leurs joueurs n'y arrivent pas", assure Laurent Foirest.
"Ca faisait longtemps que je n'avais pas vu un Américain (NDLR: Dwight Burke) offrir une passe décisive alors qu'il était seul face au panier"
Autrement dit un entraîneur doit ajuster une variable pour que son groupe soit performant. Extrêmement précieux, l'avis des joueurs capable de juger sur pièce la méthode Laurent Foirest. " On ne joue plus comme des robots. Sous le précédent coach (NDLR: Hugues Occansey), on ressentait moins de liberté. C'était plus strict, plus stressant car il fallait exécuter parfaitement le schéma demandé. Avec notre coach, maintenant, on joue plus libre. Par là, nous ne ressentons plus du tout de stress en match", soutenait Omar Strong, l'arrière américain de l'Ujap Quimper.
Cette frontière entre le bien et mal jouer est tellement exigue parfois qu'elle peut balancer de camp en plein match. Laurent Foirest se charge de gommer cette part d'hasard au basket-ball. Le jeu à trois points si fortement privilégié sur certains matchs de la phase aller, est en passe d'être sécurisé. " Le jeu à trois points? Une équipe en vit et en meurt. Nous avons été dépendants de ce fait face à Tarbes-Lourdes. Nous avons perdu ce jour-là parce que sans adresse, point de salut à ce jeu. L'adresse est un paramètre qu'on ne peut pas maîtriser dans ce sport. Nous avons des joueurs intérieurs qui peuvent être dominants. Il faut utiliser nos forces. Dès qu'ils en profiteront, ça libérera automatiquement des positions pour des shoots ouverts aux trois points ou tirs à mi-distance". En adaptant ce discours à la méthode, Laurent Foirest a réussi ses débuts en national 1 même si au bout de trois journées, toute conclusion serait forcément hâtive. Comme le rappelait un observateur avisé et spectateur assidu de Michel Gloaguen. " Ca faisait longtemps que je n'avais pas vu un Américain (NDLR: Dwight Burke) offrir une passe décisive alors qu'il était seul face au panier". L'Ujap Quimper a entamé sa mue. Ce choix de Laurent Foirest marque clairement également le début d'une nouvelle ère au club, avec une des premières vraies décisions du nouveau bureau, élu en juin 2015. En confiant la responsabilité à Laurent Foirest, le bureau a fonctionné au feeling en écoutant leur instinct. Parfois, ce genre de réflexion fait du bien à entendre et à écrire dans un monde où les pares-feux de protection sont devenus conséquent au moment d'une prise d'une décision.
Christophe Marchand