On la pensait indestructible, ancrée à tout jamais dans le paysage quimpérois. Juste une illusion : la tribune de Penvillers va bientôt être rasée et en même temps la piste d'athlétisme et le terrain de foot refaits à neuf pour laisser la place à une aire dédiée à l'athlé. Pour célébrer l'événement, le Quimper Athlétisme avait convié ses adhérents et tous les sympathisants à effectuer, ce samedi 5 novembre, un dernier tour de piste. 5 tours plus exactement histoire d'apprécier une dernière fois, la douceur tactile de ce bon vieux tartan. Et devinez quoi : Alors que depuis belle lurette, tous appelaient de leurs voeux la reconstruction du site, beaucoup avaient la larme à l'oeil en évoquant records, anecdotes et bons moments passés. Séquence souvenir !
Légende: Même usé jusqu'à la corde, en ces 30 années de pratique, ce maudit tartan de Penvillers ravivait quand même des sacrés souvenirs, à ceux qui l'avaient usé, justement. Crédit photo: DR
A tout seigneur tout honneur, c'est à Marc Cornec que je me suis d'abord adressé. Pourquoi Marc Cornec ? Parce que le gars de Ploneis, c'est un monument de la course à pied, un amoureux de la piste, un adepte du chrono sur lequel le temps n'a pas de prise. La piste de Penvillers, il l'a foulée par tous les temps, il l'a arpentée dans tous les sens. Il m'a ramené à l'ère d'avant, celle de la piste cendrée. "C'est bien simple, l'hiver elle était couverte d'eau et l'été, le revêtement, c'était du béton. Je me rappelle que le bruit des pointes sur la piste résonnait dans les tribunes. Autre souvenir marquant : le record du Finistère du Douarneniste Patrick Coader sur 2000 mètres ici même alors que je l'entraînais (5' 22' 77 en 1987), un record qui tient toujours je crois bien."
Sur piste cendrée s'il vous plaît puisque autant que Michel Kerviel - cofondateur du Quimper Athlé avec Michel Le Mell - s'en souvienne, le revêtement en tartan date des années 90. Pour les souvenirs sportifs marquants, à son tour l'éternel vétéran, Marc Souben a bien voulu m'en confier un. "C'est ici même sur cette piste que je suis descendu pour la première fois sous la barrière des 9 minutes au 3000 mètres. Jamais je n'aurais imaginé que c'était possible quand j'ai commencé." Carole Guezennec, l'ex-sprinteuse du QA, revenue spécialement pour l'occasion nous renvoie elle, à l'insouciance des tout débuts. "Quand j'ai commencé ici, j'avais 8 ans. Autant vous dire que l'athlé, c'était bien plus important que l'école. Si j'ai un souvenir marquant ? Les petits relais en catégorie Poussine."
De son côté, ce n'est pas une performance sportive proprement dite que retient Adèle Le Berre. Plutôt la magie des lieux. "Les séances dantesques dans le froid et sous la pluie. Venir ici, c'est une habitude, c'est ma routine. C'est sûr quand je verrai les bulldozers, je verserai ma petite larme."
Cyril Le Nader, autre figure bien connue dans le milieu athlétique, abonde dans le sens d'Adèle. "Moi, j'ai grandi dans le quartier. Alors, forcément je suis un peu nostalgique. De mes années en tant qu'athlète ou entraîneur, ce sont surtout des moments de partage que je retiens. Pas seulement sur la piste mais dans les tribunes. Je regrette d'ailleurs qu'on ne les conserve pas. C'était un lieu de vie."
Chacun sa fonction : la précieuse toubib du club Manue Daniel se rappelle ses douloureux débuts. "Je récupérais à grand peine d'un 400 m haies - ma spécialité à l'époque - quand je suis témoin d'un accident à la perche : un gars qui se fracture le poignet. Première intervention de ma part. Et dans la même journée, au triple saut cette fois, voilà qu'un concurrent s'arrache l'appareil extenseur. Une journée mémorable."
Qui d'autre parmi les atypiques sympathisants ? Le commissaire aux comptes du club, un certain Dominique Billard, 71 ans, qui fixe amoureusement la piste, une paire de baskets à la main. "Je viens d'en terminer avec mes 5 tours de terrain. En 14 minutes, ça fait du 9 kilomètres/heure quand même. Mais je me suis fait gratter dans le final par un duo de marcheurs nordiques".
Tandis que nous conversions, tournaient les coureurs autour de la piste : petits et grands, nouvelles et anciennes gloires, athlètes renommés et illustres inconnus... Il y avait quelque chose d'émouvant dans ce joyeux mélange de générations venues rendre un dernier hommage à la vieille dame. Un joli moment de grâce et de partage. C'est à ce moment là que le titre de l'article m'est venu à l'esprit.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec