Le 18/04/2024

Patrick Roudot, l'orfèvre bigouden du Karaté

Tel un peintre, son karaté, il le dessine, le crée, le façonne, le modifie pour lui donner sa propre touche évolutive. Dans une sensibilité similaire à un artiste, qui cherche sans arrêt une évolution, une amélioration à percevoir, le Pont L'Abbiste, Patrick Roudot, 67 ans, a passé sa vie d'adulte, à être voué corps et âme à son sport.  A l'origine, un coup de foudre sportif, découvert cinématographiquement, sur un film de Bruce Lee, mort la même année que Patrick Roudot découvrit son propre chemin. " A la mi-septembre 73, je découvre pour la première fois le karaté. Aux vacances de la Toussaint, la même année, je savais ce que je voulais faire de ma vie", glisse Patrick Roudot. L'année 73, à ses 17 ans, suite à cette révélation, il y'a comme cette illumination, celle de consacrer sa vie au karaté. 51 ans après, il en est toujours autant imbibé jusqu'à en avoir fait son métier. Professeur au départ de la création du Shoto Karaté, à Quimper, en 1981, il en est toujours le Sensei, le professeur en Coréen, dispensant ses cours, le mercredi soir, à la Halle des Sports de Penhars, à une vingtaine de passionné(e)s, tous ceinture noire, a minima 1ère dan. Ses cours, plûtot, son art, décèle un karaté qui lui est propre, comme une signature en bas d'un tableau,  fruit d'une maturation et une recherche atypiques. Il a poussé tellement à l'extrême sa passion, que le Bigouden fait maintenant figure de référence à un niveau national, étant même le seul Breton, expert fédéral de la Fédération Française de Karaté.

Légende: De 1981 à aujourd'hui, de sa création à cette saison 2023/2024, le Shoto Karaté de Quimper n'a connu qu'un Sensei, qu'un professeur en la personne du Pont l'Abbiste, Patrick Roudot.

Ce parcours singulier, il n'y en aura qu'un. Il est aussi l'émanation d'une époque, au début des années 70, où le karaté, en la personne de Bruce Lee, a trouvé son levier d'accélération. Jusqu'à en devenir la discipline à la mode, en France, dans cette décennie, comme le tennis le sera une décennie plus tard. Patrick Roudot est l'exemple parfait, qui a maintenu ce fluide toute sa vie. Parti à Paris, à ses 18 ans, pour vivre, manger, dormir karaté, 3 heures par jour, 7/7, il est revenu, comme un oiseau migrateur, dans son Pays Bigouden, pour partir dans une idée folle, ouvrir son propre dojo sur ses terres, à Pont l'Abbé.

" J'avais emprunté une grosse somme, à l'époque. Ma passion pour le karaté était dévorante, je ne me posais pas de questions. J'avais envie, comme un appel à aller dans cette direction. C'était très instinctive comme réflexion. Avec mon recul d'aujourd'hui, je ne le referais pas, mais la fougue de la jeunesse fait qu'à cet âge, on oublie d'être réfléchi", confirme Patrick Roudot.

Ce crédit contracté sur cet achat, rue Pasteur, à Pont L'Abbé aura ses mauvais et bons côtés. Allant pudiquement jusqu'à dire qu'il a "bouffé" de la viande enragée, l'obligeant à multiplier les cachets ( toujours relié à l'artiste), 160 adhérents, au pic en 1989, à Pont L'Abbé, 110 à Quimper, une présence à Pontivy dans le Morbihan, où il donnait des cours, en plus de tout ça, et pour rajouter des ingrédients, à Concarneau, pour l'ouverture d'un club, et même à Brest sur deux ans. " J'avais tellement la foi, je ne croyais pas pour moi, je n'étais pas tourné vers moi, mais je voulais tellement transmettre aux autres".

Après avoir été un champion de la discipline, après plusieurs championnats de France, d'Europe et du monde, parcourant le monde, à Tokyo ( Japon), Brisbane (Australie), Sunderland (Angleterre), vainqueur d'une coupe Kata sur la scène européenne, à Paris, il stoppe la compétition à ses 34 ans, en août 1990. Afin de façonner des petits champions, comme il les appelle, les Florian Durant, Emmanuelle Auchan, Yohan Decaen, Adeline Hougron, Denis Le Meur. " Ils sont tous partis de zéro, et ont tous fait des championnats de France. A part Adeline ( Hougron) qui continue le karaté, ils ont tous arrêté, mais ils ont tous réussi dans la vie, ils ont tous fait de belles carrrières en dehors du sport. Je ne les ai jamais retenus pour le karaté, car j'avais conscience qu'ils ne gagneraient pas leur vie avec ce sport".

Ce don de soi, cette capacité de transmettre pour les autres, quite à manger de la viande enragée, Patrick Roudot a donné énormément et ses élèves les plus assidus ont aussi des mots touchants pour mettre en relief ce monstre de la discipline, en France.

" C'est le meilleur! C'est quelqu'un qui s'il était dans une grande ville en France, n'aurait pas eu la même carrière. Il s'est fait tout seul, c'est le seul Breton à la fédération française de karaté. Il a été reconnu, à un niveau fédéral alors qu'il n'était pas du sérail. C'est dire son expertise de sa discipline. Même étant basé à Brest et maintenant à Lorient, je l'ai toujours suivi. Il nous fait progresser, évoluer aussi maintenant sous une forme de karaté santé. Si je n'avais pas connu Patrick Roudot, une chose est sûre, je n'aurai plus de dos aujourd'hui. C'est quelqu'un de très pointu", concède Franck Thébault.

Pour Serge Le Fur, il a été un fil conducteur sur tant d'années, à ses rendez-vous hebdomadaires avec le karaté. " Ca fait 23 ans que je suis les cours de Patrick Roudot. J'ai connu d'autres professeurs de karaté, mais aucun ne m'a fait cette impression. C'est hyper-complet, avec énormément de recherche, notamment sur l'articulation du corps. Il y'a toujours cette étincelle, un enchaînement, échauffement musculaire, application combat, des katas, et un retour au calme".

Pour une autre licenciée, la méthode Patrick Roudot est même une marque déposée. " Patrick est très pédagogue, à l'écoute. Il laisse beaucoup d'autonomie, on apprend à notre rythme. Il donne son savoir et laisse ses élèves prendre en fonction de leurs besoins. C'est un expert dans son domaine. Son atout, c'est l'enseignement, et sa forte capacité d'adaptation".

Stéphane Gloanec, le président du club et pratiquant assidu des cours, est aussi éloquent sur cet Ovni du karaté. " Il a vécu de sa passion. Au niveau technique, c'est hyper-fort, il est inégalé en Bretagne. C'est un karaté hors-norme, c'est une souplesse, une gestuelle à part, c'est fluide de partout. On est dans la puissance pure, sans ajout de force. Le timing, le coup d'oeil est parfait. Des Roudot, il n'y en a pas 500 en France. A Quimper, nous sommes un groupe très soudé, on vient pour le personnage qu'il est, après, on fait ce qu'on peut sur le tatami (rires). Nous avons cette chance à Quimper d'avoir un tel phénomène. Il agit comme un aimant, c'est notre soupape de la semaine. Il est tellement atachant, extrêmement sensible aussi pour un trait de sa personnalité qui n'est pas trop connu. On ne retrouvera pas ce que nous avons connu avec Patrick. Il a été dans les 20/30/40 meilleurs karatékas de sa génération. Techniquement, dans sa recherche constante, c'est tellement au-dessus".

Agissant comme un aimant, Patrick Roudot a fait le karaté en Cornouaille sur les 40 dernières années. Avec toujours un regard lucide sur son sport. " Il y'a eu la première vague dans les années 70/80, mais pas de seconde vague depuis. En Bretagne, tous les professeurs ont plus ou moins le même âge. Nous n'arrivons plus à recruter des jeunes. Toute une génération va partir à la retraite prochainement. On réusssira à être remplacés, mais pour faire rêver les jeunes à notre sport, il faut des jeunes qui fassent rêver une génération. J'y ai crû quand Steven Da Costa a été champion olympique, à Tokyo en 2021, mais notre discipline n'est plus olympique à Paris. Il y'a 160.000 pratiquants en France, mais il faut impérativement donner envie. Il y'a aussi cette faute qu'on a eu, de ne pas avoir assez "professionnalisé" notre sport"

Lucide sur son sport, ses forces et faiblesses, il porte avec lui tout ce karaté, de son effervescence à son tassement sur les 50 dernières années. Il écume maintenant la Bretagne pour lui apporter ce bol d'air vivifiant, de transmettre son savoir inégalable et inégalé.

Ce passage de témoin à Quimper ne l'obsède pas, il se fera, mais Patrick Roudot a une forme "bouddhique", il a un côté révélation, d'une personne ayant réalisé l'éveil ( avec sa fulgurance de 1973), ayant atteint le nirvana par ses résultats sportifs, pour atteindre l'autre rive, une forme de sagesse, transposable par son Karaté-Santé, qui est un suivi très qualitatif de la prévention du corps humain, tout en restant dans sa bulle toute préservée du karaté.

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