SOUVENIRS & NOSTALGIE. Timothée Guillaumot, l'Extra-Timrestre du FC Quimperlé
22 octobre 2013. Se rebeller face à une injustice perçue est un acte fondateur à une toute nouvelle personnalité. Cantonné à un rôle obscur en D3, avec l'équipe D de Vannes Ménimur, Timothée Guillaumot a été confronté à son miroir de vérité en jouant bizarrement face à son ancien club, le Gazélec Vannes, en 2008/2009, à 19 ans. La force de caractère, enfouie dans un amas de gentillesse et de complaisance, a agi comme un magma à la surface d'une croisée de chemin. En quatre ans, le parcours est stupéfiant. De la D3 à une place de meilleur buteur en DSE, récit d'un joueur, pour qui le football est un besoin primaire au même titre que manger, dormir, ou se loger.
A 23 ans, Timothée Guillaumot est l'avant-centre du FC Quimperlé. Auteur d'un début de saison tonitruant avec 10 buts en huit matchs, il représente un danger permanent pour ses adversaires au marquage.
Dois-je oser avouer qu'en 10 ans de ce métier, je n'avais jamais rencontré un tel phénomène, obnubilé par la rage de toucher ses limites et l'abnégation dans le travail, avec Timothée Guillaumot? Il nous arrive parfois de rencontrer des sportifs, qui sortent du cadre rationnel d'une fonction pour émettre une réflexion plus que poussée sur leur sport. Presque toujours, ces personnes comme Philippe Huon, au Tennis Club Quimperlé, Mikaël Caoudal à l'AS Plobannalec-Lesconil ou Thomas Le Gall, au HBC Cap Sizun au handball, sont entraîneurs, animés par un désir de connaissance absolue de leur sport, dans de multiples domaines (jeu, tactique, psychologie...). Arriver à déceler ce même trait de caractère jusqu'au boutiste chez un jeune joueur relève d'une particularité peu banale.
Brosser le portrait d'un tel boulimique de football est un art délicat car on aurait presque trop peur d'oublier la substantifique moëlle de la passion. Avant de mettre en exergue l'homme, peut-être semble-il juste d'associer plusieurs noms, comme Jean, son grand-père, qui à 76 ans, fait toujours sa sortie quotidienne de 40 km en vélo, son père, Thierry, son frère jumeau, Quentin, néo-joueur du FC Quimperlé, ou ses trois soeurs, sa petite-amie et sa mère (" je suis très famille"), Suat Oraksi, son coach en équipe D à Ménimur, Christian Gueguan son coach en A à Ménimur ou André Julloux, le secrétaire du FC Quimperlé, une liste exhaustive, qui a contribué à sa réussite sportive et son épanouissement dans la vie.
" Le football est aussi important que ma santé ou ma famille. C'est parce que je suis bon au football que j'ai aujourd'hui un métier en tant qu'éducateur au FC Quimperlé. Mon père m'a toujours inculqué ses valeurs. Ce sport m'a épanoui dans la vie, m'a donné confiance en moi, et me rend important aux yeux des gamins que j'encadre sur les séances. Quelque chose se passe dans notre groupe en première. Les gars sont au top et nous avons cette mentalité de guerriers, indispensable pour un parcours en coupe, par exemple".
Le travail est une valeur sûre de réussite dans la vie. Dans n'importe quel métier, n'importe quelle passion, la clé de la performance réside en une foi indélébile dans cette valeur, qui garantit, sans omettre une volonté quotidienne de progression, un développement certain. Timothée Guillaumot est armé d'une telle volonté de réussir à un haut niveau qu'il n'en oublie jamais de se réfugier vers ces certitudes avec des séances supplémentaires. " Quand j'ai rencontré les dirigeants de Quimperlé, j'ai mis une chose essentielle en avant: mon côté bosseur à l'extrême. Je n'ai jamais raté un entraînement de la préparation. Je faisais l'aller-retour de Vannes quatre à cinq fois par semaine. Sur chaque séance d'entraînement, j'arrive 1h à 1h30, avant pour répéter des exercices devant le but, ou des coups-francs à 40 mètres avec les gardiens des U15. Je ne bois pas, je ne fume pas, et je ne suis jamais sorti, la veille d'un match, même amical. Le travail, l'hygiène de vie, j'y pense beaucoup. Je veux arriver au plus haut niveau. Je ne fixe pas de limites personnelles. L'erreur serait justement de s'en fixer".
Andreï Chevchenko, Lebron James, ses deux idoles dans le sport
Souvent, les références sportives sont un excellent moyen pour cerner une personnalité car avec cette question, les indices sur les traits de caractère sont comme une boîte de pandhore, qui s'ouvre soudainement. Le Quimperlois émet deux idoles dans le sport: Lebron James, champion de NBA en titre avec les Heats de Miami et Andreï Chevchenko, le grand "Capocanoniere" du Dynamo Kiev et du Milan AC. " J'ai une grande passion pour le basket NBA. Chez Lebron James, sa force vient d'un mental extraordinaire. Avoir l'honnêteté de parler en public de sa défaillance lors d'un dernier quart-temps de la finale NBA en 2009, et quatre ans après contre les Spurs, prendre le match en main dans ce fameux dernier quart-temps du dernier match de la finale, c'est juste énorme. Je me sers de ces références pour avoir ce même mental. Comme Andreï Chevchenko, j'adorais le joueur par son sens du but et ses déplacements. Il a été très fort de quitter le Dynamo Kiev et s'adapter de suite au jeu du Milan AC. Dès sa première année en Italie, il finit meilleur buteur de la Série A. C'est super fort! Je dois avouer que je me le suis mis en tête, à mon niveau de faire pareil en DSE avec le FC Quimperlé. J'arrive, personne ne me connaît et je veux finir meilleur buteur du groupe".
Avec 10 buts marqués en huit matchs de compétition officielle, il converge forcément le regard de ses adversaires. Cible privilégiée d'observation étroite par les défenseurs centraux, il en joue pour rehausser sa motivation de marquer à chaque match. " C'est un vrai défi personnel. Je sens que mes partenaires, mon coach, Eric Gaillard (" Super feeling dès le premier contact"), attendent quelque chose. Je leur suis redevable sur le terrain. Je me dois de faire la différence à chaque match. J'aime être attendu, que les adversaires me craignent, qu'on me redoute. Là tout me réussit, je marque. J'ai besoin de cette reconnaissance affective de mon coach, de mes partenaires, pour que je puisse donner le meilleur sur le terrain. Quand je connaîtrais une phase de non-réussite, je travaillerais encore plus pour que ça revienne. J'admire également quelqu'un comme Mathieu Valbuena, par son parcours. Même quand il n'était pas titulaire à l'OM sous Didier Deschamps, il a toujours prouvé par son travail qu'il était indispensable à cette équipe".
Pour sa première année, dans le Sud-Finistère, il est impressionné par la ferveur représentée par ce sport, supérieure au Morbihan, selon lui. " J'ai grandi sur l'île de la Réunion, avant de revenir en Bretagne, à l'adolescence. Le Bretagne, c'est la terre de foot par excellence. Le Finistère-Sud me fait penser à l'Angleterre, c'est une vraie terre de football. Le Morbihan, il y'a plus de haut niveau mais on ne sent pas une telle ferveur dans les clubs. Ici, même les plus jeunes, sont supporters du club, et on en voit régulièrement qui viennent avec le maillot du club aux séances. Ils seront tous là pour nous soutenir face à Ploërmel, en coupe de France, samedi. C'est marrant parce qu'au début de la saison, Eric Gaillard, notre coach, nous répétait toujours son pré-sentiment qu'on allait faire un bon parcours en coupe de France parce qu'on possédait cette âme de guerriers. A l'entraînement, quand tu es face à Yann Le Borgne, ou Maxime Sebilleau, qui sont des exemples dans ce domaine, tu apprends forcément beaucoup".
Se remettant sans cesse en question, investi dans une dévotion à la progression, Timothée Guillaumot sera à la pointe de l'attaque des Tangos, ce samedi après-midi, à 17h30, face à Ploërmel, totalement imbibé dans ses pensées de faire trembler les filets (" j'ai un rituel avant un match. Le matin, je visionne systématiquement 50 minutes de vidéos sur youtube des meilleurs buteurs de l'histoire du football pour puiser la motivation pour marquer"). Toujours et encore le but, quête immuable d'une besogne dominicale, véritable messe en orfèvre de précision d'un geste à effectuer sans relâche.
Christophe Marchand