Le 27/12/2022

Décennie 80: les années bonheur du Pays Bigouden (2/5)

Si la décennie antérieure avait été celle d'un décollage, un embarquement dans une folie ambiante, caractérisée par l'aventure folle de trois années des CS Penmarc'h, en Division 3 (1975-1978), la décennie 80 se caractérisera dans le Pays Bigouden, par les années bonheur, un accomplissement unique, parfois éphémère, mais toujours porté par ce football, qui cultive ce côté terroir et déchaîne les passions populaires. Avec l'émergence de disciplines nouvelles, comme les sports de glisse, à la Torche, avec des coupes du monde de planche à voile, et une première mise en commun de pratiques jusqu'à alors individuelles. Les années 80, c'est l'aventure extraordinaire du FC Pont l'Abbé, à un match face à l'UCK Vannes, d'intégrer la D3, ou le parcours d'un club unique, Gourlizon Sports, l'équipe de René Flochlay, qui allait bousculer des places fortes établies du football breton, grâce à une redoutable bandes de copains. Et pour que ce sport se retrouve au-delà des stades, c'est aussi en lien, avec l'excellent documentaire des boîtes de nuit dans le Pays Bigouden, le lien fédérateur du Pimms de Pascal Sévignon, le père de Kévin, joueur et éducateur au FC Pont l'Abbé, qui donnera, dès 1987, à son ouverture, pendant 10 ans, une animation et une ambiance prolongée et indéfinissable après le match, jusqu'à la soupe à l'oignon du petit matin, sur la route menant à Combrit.

Légende: Dans l'effervescence des années 80, en Bigoudénie, l'aventure extraordinaire de Gourlizon Sports, avec René Flochlay en entraîneur. Crédit photo: Gourlizon Sports

L'année 1980 va être celle d'un audacieux, aujourd'hui presque disparu des mémoires. Un industriel normand, au nom de Lavasay, eut l'idée six ans avant le Mondial Pupilles de créer un tournoi réunissant en Bigoudénie les meilleures équipes européennes. Même si le tournoi ne fut qu'éphémère, ce mondial cadet, se déroula sur quatre centres d'accueil, à Pont l'Abbé, à Léchiagat, Penmarc'h et Briec.

Au printemps 80, après moult péripéties et rebondissements, ce Mondial Cadet, premier et seul du nom, possède ce côté Woodstock du Football, en Bigoudénie. Rendez-vous compte, le Real Madrid, le FC Zurich, le Partizan de Belgrade ( 9 ans avant la chute du mur), le RCS Anderlecht, une des meilleures équipes européennes de l'époque avec le joyau hollandais, Rensenbrink. Le Real Madrid est battu en demi-finale par le FC Porto (1-3), les joueurs du Real sont même en larmes sur le stade municipal de Pont l'Abbé, le Milan AC les venge en finale en battant les Portugais.

Cette unique épisode est en réalité, assez empreinte d'une mentalité bigoudène profonde, au fond. A l'image du festival God save the Kouign, à Penmarc'h, porté par un footballeur "bigoudènement" extrêmement connu, Yohan Madec, le Pays Bigouden sait aller contre le sens de la marée, si besoin que le projet soulève des montagnes.

Quittant maintenant ce Bas Pays Bigouden, pour monter dans le Haut ( Oui, car au Pays Bigouden, il y'a deux étages). A Pouldreuzic, avec les Bigoudens Sports, cette année 81/82 restera comme un crû exceptionnel, pour ce fief emblématique de Jean-Pierre Bosser, qui détient toujours le record des matchs joués en professionnel au Stade Brestois 29. Avec le macaron de la société ( de l'emblème local), " Hénaff", ces durs à cuire, portés par un gardien bondissant, Roger Le Coeur, directeur des cars portant le même nom ( Les Cars Le Coeur, bastion à Pouldreuzic, fondé en 1925, racheté par les Cars Castric, en 2006 à Combrit). Le parcours tient vraiment de l'exceptionnel, pour une D1 de district, les joueurs de Pouldreuzic passent au premier tour, en revue l'AS Plobannalec-Lesconil du président, Jacky Souron, mareyeur de son état (DRH), le FC Pont l'Abbé (DSR, éliminé aux tirs au but), place à l'AS Plouhinec, en tête de son groupe de DSR. Cette fois-ci, ça allait être fini des chances de Pouldreuzic. 

Surtout que le match était à Robert Normand, mais alors que les Capistes n'avaient pris que quatre buts en championnat, ils en prennent .... quatre face à une équipe du district (2-4). Pouldreuzic est encore passé. Le 4ème tour place la barre cette fois-ci trop haute. La Stella Maris de Douarnenez (DH) se dresse face aux Pouldreuzicois. L'incroyable se passe encore, sur un but de Jean-Pierre Le Corre, les Bigoudens se qualifient au 5ème tour, donnant une des plus grandes sensations locales de tous les temps (1-0).

Le tour suivant réserve l'US Concarneau (D4), entraînée par René Le Lamer, l'entraîneur légendaire de Cuiseaux-Louhans en D2. Défait 2-3, par les Concarnois, les Bigoudens Sports s'arrêtent là, avec toujours ce regret du 3ème but sur un corner qui ne l'était pas à son origine, et Michel Le Du découpé deux fois irrégulièrement par le même défenseur concarnois ( On taira son nom!), alors qu'il filait au but. Mais les Pierrick Coïc, Henri Kérouédan, Roger Le Coeur, Jean-René Bosser, Marcel Gloaguen seront rentrés dans la légende du foot bigouden, à travers cette épopée... " On avait une équipe extraordinaire. C'était notre deuxième année en D1 de district. A l'époque, Roger Bosser, le père de Jean-Pierre Bosser, avait crée une des toutes premières écoles de football dans le Pays Bigouden. Il demandait sans arrêt à nos minimes et cadets, en match de préparation de se frotter aux meilleurs, le Stade Q ou la Stella. On nous prenait pour des " cloches", comme on venait d'une petite commune mais on avait du répondant sur le terrain", souligne Pierrick Coïc. Et pour la petite histoire finale, Pouldreuzic ne monta pas cette année en PH barré par la Plozévétienne.

Retour dans la "capitale", après avoir décroché le titre de la ville la plus sportive de France, sur les communes de plus de 5.000 personnes, en 1982, sous les caméras de FR3 (aujourd'hui France 3), l'US Pont l'Abbiste bouillonne avec un président, qui a marqué son époque, l'entrepreneur, Marcel Cariou, spécialisé dans les constructions de maison, à l'entrée de Pont l'Abbé. Il a de très grandes ambitions pour l'USP. En 1984/1985, l'US Pont l'Abbé décolle, en DH, avec des joueurs comme Philippe Massot (ex EA Guingamp ou SM Caen), tellement qu'il était bien intégré, finira par membre éminent du bureau, Jean-Marc Volant, le frère de Charly et Claude, Edmond Hervé, le frère de Laurent ( qui sera repéré par l'EA Guingamp), la classe, Patrice Riou en numéro 10, l' ex-joueur du Stade Quimpérois, Thierry Reiller, ou la tête de turc des spectateurs adverses, Eric André, qui était un redoutable finisseur.

La montée en D4 est acquise au prix d'une victoire à la TA Rennes (3-0). D'ailleurs, l'anecdote est cocasse, le dernier match de l'année est jaugé au stade de Poullen, à Coray. Pour fêter cette montée historique en D4, un supporter bigouden décide de faire le parcours stade municipal de Pont l'Abbé jusqu'au stade de Poullen, à Coray, en vélo. L'aller est digne d'un champion, mais le retour s'avère plus compliqué. Au(x) ravitaillement(s) buvette, nécessaire pour réhydrater l'organisme, notre "athlète" a payé l'ensemble de ses efforts matinaux, victime d'un coup de fringale inexpliquable, il sera "rapatrié" dans le car des joueurs, victorieux 1-2, endormi sur un siège, le vélo dans la soute.

La D4 arrive à Pont l'Abbé. La fête continue à Pont l'Abbé, en cette saison 85/86, avec un recrutement quatre étoiles, dans les buts, Philippe Ollivier, le Camarétois, père de Benjamin ( joueur au FC Rosporden, ex-US Trégunc, US Fouesnant, Hermine Concarneau), en attaque, Philippe Le Marre, originaire de la JA Arzano, et formé à l'AJ Auxerre ou encore un international algérien, Nasser Oughlis, qui sept ans plus tôt, avait fait un match d'essai au Paris Saint-Germain, entraîné par Jean-Michel Larqué en D1. Son match amical lui aurait valu un pont d'or maintenant, victoire du PSG en amical, 9-0, Oughlis met les 9 buts, mais se brouille avec Jean-Michel Larqué, au mauvais moment.

Car l'homme a du caractère, ce qui est en Bigoudénie, est une qualité. D'ailleurs, Nasser Oughlis se sentira tellement bien, en Bigoudénie, qu'il tiendra pendant très longtemps, une couscousserie, le Touareg. Cette année 85/86 marque aussi un premier 32ème finale de la coupe de France ( première et seule équipe bigoudène à y être parvenu), suite à la victoire face à Ancenis au 8ème tour ( 2-0, buteur: Oughlis, Le Marre).

Le tirage est un évènement local, le Tennismen, Henri Leconte, finaliste de Roland Garros, en 1988, monte au filet pour tirer l'AJ Auxerre en 32ème finale, qui avait battu à l'Abbé Deschamps, le Milan AC de Berlusconi, en ce début de saison (3-1). Les Basile Boli, Jean-Marc Ferreri, le regretté, Bruno Martini défieront les Pont l'Abbistes, à Penvillers, débarquent en février 1986, à Quimper, devant 4.000 personnes. La défaite est au bout (0-3) mais une anecdote est restée. Celle de Pierrot Campion, le président des Brodeuses, et grand supporter de l'USP, qui donna juste avant le match, à Guy Roux, une poupée bigoudène, réponse du tac au tac de l'entraîneur icaunais ( "Merci à vous mais J'ai passé l'âge de jouer à la poupée"). Ce premier 32ème finale sera célébrée jusqu'au bout de la nuit au restaurant Le Refuge ( qui porte bien son nom), à Saint-Jean Trolimon, avec joueurs, épouses, enfants, clubs, et supporters, soit 300 couverts au bas mot.

La saison 1986/1987 sera la plus belle de toutes en D4. Que serait-il advenu si l'US Pont l'Abbiste était monté en D3, le 30 mai 1987, en battant l'UCK Vannes? Face à 2.500 personnes, au stade municipal, les Bigoudens jouent sur le dernier match, leur montée en D3 ( pour égaler le record de Penmarc'h et être juste en-dessous du Stade Quimpérois, à même niveau de l'US Concarneau). Menés 0-1, très tôt, les Lions jettent toutes leurs forces, notamment un excellent Jean-Paul Diougant, car il leur faut gagner impérativement pour grimper en D3. Deux buts litigieux refusés, un pénalty carrément oublié, le rêve passe pour l'USP et son président, Marcel Cariou, qui était à 90 minutes de réaliser son grand rêve, porter Pont l'Abbé en D3.

Si ce match face à l'UCK Vannes fait mal, les deux défaites face à Pontlieue ( la régie Renault, Sarthe), lanterne rouge et ayant gagné ses deux seuls matchs de championnat face ... à Pont l'Abbé, fait encore plus mal. La suite sera encore belle, avec Christian Gourcuff en entraîneur-joueur, juste avant la fusion de 90/91, ou des internationaux à Pont l'Abbé, le Congolais, Georges Pémot, un Algérien, quatre sélections A avec les Fennecs, Sofiane Meziani ou un Camerounais, Edmond Ibayi. Dans toutes leurs années D4, les Pont l'Abbistes se seront frottés à de futurs grands noms du football français, Alain Roche, Nicolas Ouédec, Patrice Loko.... Les Edmond Hervé, Guy Palud, Jean-Paul Diougant, Nasser Oughlis, Philippe Ollivier, Didier Guillon, Jacques Jousseaume ( le vice-président actuel de l'AS Brest, qui avait dit pour être champion, il faut jouer avec des chaussettes blanches, voeu exaucé par Marcel Cariou), auront marqué toute une époque. 

L'autre grande aventure football de ces années 80 est plus local mais tout aussi extraordinaire. Direction Gourlizon Sports, 30 saisons en ligue, 11 saisons en DSR, pour une commune de ... 900 habitants. Un homme, René Flochlay, qui avait gagné la coupe de l'Ouest avec l'AS Rosporden, en 1968 face au Mans (1-0), ex-joueur au Stade Quimpérois, prend les rênes de cette équipe, qui se morfondait en D2 ou plutôt pour être précis, en promotion de première division. Dès la première année, René Flochlay ressent tout le potentiel d'une jeune génération issu du club, en cadet, les frères, Le Berre, Jean-Yves et Guy, Ronan Guéguen, Luc Flochlay, Thierry Seznec ou Jean-Pierre Flochlay, qui pousseront à 16/17 ans, les "anciens", en équipe B. Cette génération de "gamins" en 7 ans montera le club de D2 en DSR, avec juste un arrêt de deux ans en PH, avec une saison, où René Flochlay n'utilise que ... 12 joueurs dans son effectif premier, sur l'ensemble de la saison ( Impensable aujourd'hui, quand on questionne les entraîneurs, on est plutôt sur une moyenne de 30 joueurs). " On était un collectif hyper-bien huilé. On jouait ensemble depuis la cour d'école communale", avoue Jean-Pierre Flochlay.

Ce club né en 1934, qui n'avait jamais joué au-delà de la D1, va connaître une trajectoire folle. Par ces montées successives, le club s'inscrit pour la première fois, en coupe de France, au début des années 80. Dès son entrée, ils battent les CS Penmarc'h, pour tomber en prolongations lors d'un match extraordinaire au FC Quimperlé (D4). La saison 1987/1988 sera certainement la plus belle, avec l'année 82/83. Par une victoire au terme d'un match fou face aux Gars d'Arvor de Landerneau (4-4, TAB), les Gourlizonais créent un  authentique exploit face à l'US Pont l'Abbé (D4). Bertrand Le Contellec, pur Gourlizonnais, défendait les buts de la GSA, para à tout et fera également quelques années plus tard, le bonheur du FC Pont l'Abbé, dans leur 2ème 32ème finale de la ccoupe de France. Les Rouge et Noir font subir un vrai camouflet à Pont l'Abbé, battu 3-0. Et le plus extraordinaire est que les juniors du club font le même sort aux Pont l'Abbistes, en Gambardella, en gagnant 1-0, avec la génération des Jean-Marc Pliquet ou Denis Le Berre.

" A Gourlizon, nous avons eu trois générations exceptionnelles, la nôtre avec Luc Flochlay, Thierry Seznec, les frères, Le Berre, Guy et Jean-Yves, la deuxième, avec Denis Le Berre, Philippe Joncour, Jean-Marc et Bruno Pliquet, et pour moi, la 3ème était encore au-dessus, avec Romain Danzé, Jonathan Le Bihan ou Samuel Auffray ( génération né en 1985/1986) mais celle-là n'a jamais éclos à Gourlizon en senior. On a vécu des moments exceptionnels, au stade, à la salle du Bravel, après les matchs. On ne réalisait pas tout ça, le seul qui avait la lucidité de ce moment, c'était Luc Flochlay, il nous disait souvent, que ce qu'on vivait-là, c'est de l'exceptionnel. Et maintenant, je le comprends et rejoins. La force de Gourlizon, c'était la constance, des gens comme Jean Joncour, secrétaire en continu depuis 1969, des Ronan Chatalic, delégué aux arbitres, Louis Le Guillou, créateur de l'école de football de 1970 à 1978, des René Flochlay", relève Jean-Pierre Flochlay.

Aux portes de la DH, voyant peut-être les meilleurs gardiens de la décennie 80, défilé à Bel Air, avec Bertrand Léziard, Bertrand Le Contellec ou Dominique Louboutin, Gourlizon Sports ( avec les Glaziks de Coray) a personnifié dans l'excellence, le football amateur du Sud-Finistère dans les années 80, avec au passage, deux demi-finales de la coupe de Bretagne en 1982/1983 défait par le FC Lorient ( la première avec Christian Gourcuff en entraîneur-joueur et Georges Guénoum à la présidence) et encore par le Stade Pontivyen en 1991, après une victoire 0-2 en quart de finale, sur le terrain de la Stella Maris ( but Guy Le Berre et Jean-Marc Pliquet).

Outre ce football-roi, les années 80 sont aussi synonyme de personnages, des trajectoires singulières comme celle de Jean Nicolas, un Pont l'Abbiste formé à la Jeanne d'Arc de Pont l'Abbé, agrégé d'histoire, muté professionnellement à Monaco en tant que professeur d'histoire. Il occupa le même poste qu'Henri Bianchieri au football, sur le rocher, mais au club de basket-ball de l'AS Monaco, qui évoluait en D1, au côté de Limoges, AS Vileurbanne d'Alain Gilles, il alla d'ailleurs négocier le contrat d'un certain Philippe Zaniel, international français au début des années 80, comme directeur sportif de l'AS Monaco Basket.

A La Torche ou à Penhors, de nouveaux passionnés se mettent aussi à pratiquer en commun des sports en pleine expansion comme le Wind-Surf ou la planche à voile. La décennie prochaine verra l'explosion de ces pratiques avec la première école de surf dans le Pays Bigouden. Enfin, le CA Bigouden fêta un deuxième titre de champion de France junior, en 1985 ( décidément une année faste pour le sport à Pont l'Abbé), avec Jean-Pierre Lautridou ( petit-fils du maire qui avait posé la première pierre du stade en 1955), 19 ans, en cross. Jean-Paul Le Gall confirme, avec un temps de 2h18min20, au marathon, il restera 40 ans, le recordman du marathon dans le Finistère avant que le Brestois, Florian Caro ne le batte en cette saison.

En partenariat avec Leclerc Pont l'Abbé, le deuxième volet de cette série de 50 années de sport dans le Pays Bigouden

A suivre, ce mercredi 28 décembre, la décennie 90, le temps des fusions entre regain et enclenchement d'un déclin

A relire, le premier volet sur les années 70

Merci aux clubs pour l'ensemble de ses photos d'archive.

 

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